D’après le livre « Great women of India » de Yogi Mahajan 1995
LES GRANDES FIGURES
FEMININES DE L’INDE
D’après le livre « Great women of India »
de Yogi Mahajan 1995
À Shri Mataji Nirmala Devi
Shri Mataji Nirmala Devi
Mère de toutes les mères
Le sentiment maternel est ce qu’il y a de plus élevé.
Aucune communauté dont les mères ne sont pas admirables ne peut exister.
Aucune communauté dont les mères ne sont pas exceptionnelles ne peut exister.
Les mères doivent s’occuper de la préservation, non seulement de leurs propres enfants, mais de toute la communauté, de toute la nation.
C’est une chose très importante. Partout où les mères ont échoué, les nations ont échoué.
Si les mères elles-mêmes sont égoïstes, à l’esprit étroit, la nation entière sera à son image.
Tout passe aux enfants par la mère.
AVANT–PROPOS
L’Inde est vaste, formée de multiples régions, de peuples, de cultures et de religions différentes que la géographie, le climat et l’histoire ont façonnés, mais l’Inde est avant tout une seule nation, car elle croit depuis l’antiquité en l’existence d’une Mère universelle.
Cette foi s’est souvent manifestée en un amour pour la Mère patrie et en une glorification de la femme au foyer.
L’auteur a choisi de nous présenter 19 petites histoires parlant de ces grandes figures féminines qui ont agi sur le cheminement de la pensée indienne et inculqué le respect de la femme.
NOTE DES TRADUCTEURS:
Le livre de Yogi Mahajan nous présente plusieurs héroïnes qui appartiennent à l’héritage culturel de l’Inde. Or, dans la culture indienne, celles qui appartiennent à l’histoire se mélangent à celles appartenant à la mythologie, et toutes sont mises sur le même plan de réalité.
Pour des occidentaux, cela peut être déroutant, c’est pourquoi vous trouverez une présentation simple dans le glossaire en fin de livre, des notions historiques et des textes sacrés cités dans cet ouvrage.
BIOGRAPHIE:
Yogi Mahajan est né en 1950 au sein d’une famille d’éminents juristes. Il est diplômé en droit à l’université de Delhi. Il a écrit sur des sujets spirituels et sociaux, ses livres sont disponibles sur le site amazon.com. Actuellement, il dirige des cours gratuits de Méditation Sahaja Yoga à Dharamsala en Inde.
Voici le lien pour les USA où vous pouvez trouver la dernière version mise à jour de ce livre:
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INTRODUCTION
L’histoire de l’Inde vit à travers son folklore. Le pays chante encore les ballades qui immortalisent l’âme indomptable des grandes figures féminines mythiques. Chaque vallée se souvient fièrement des actions émouvantes de ces femmes héroïques, chaque palais se fait l’écho de la bravoure de ses reines audacieuses.
En effet, la grandeur de la culture indienne ne provient pas seulement de ses miniatures admirables, de ses sculptures complexes, de sa marqueterie fine, de son architecture recherchée, de ses mosquées et de ses temples magnifiques, de sa musique classique ou de ses textes védiques. Elle vient surtout de la dignité de ces femmes qui ont fait de la civilisation indienne l’une des plus grandes cultures du monde.
Elles ont façonné un esprit de sacrifice qui leur a donné un courage inébranlable face à chaque nouveau défi, et ont conservé leur désir intérieur de glorifier, ce qu’on appelle en Occident l’Esprit-Saint. Elles ont su tirer de leur foi en cet Esprit-Saint un réservoir de forces qui a suscité plusieurs fois l’admiration de leurs ennemis.
La culture indienne ancestrale est baignée de ce respect pour les femmes. Le « Manu-Smriti » ou les lois de Manu, est l’un des textes en vers les plus importants et les plus anciens de la tradition hindoue (vers 1500 av. J.C.*). Il rend un brillant hommage aux femmes dans ces vers:
« Yatra naryastu pujyante ramante tatra devatah
Yatraitastu na pujante sarvastatraphalah kriyah. »
« Là où les femmes sont vénérées, les Dieux se réjouissent, mais si elles ne sont pas vénérées, les cérémonies religieuses sont vaines, car les maisons maudites par une femme déshonorée périssent comme par magie. »
Selon le Brihadaranyaka Upanishad*, datant de 800 ans avant JC, l’être n’est complet que lorsque ses moitiés masculine et féminine sont à parts égales, comme les deux moitiés d’une coquille forment un coquillage entier « ardha-vrigalamiva ». La femme complète l’homme, non seulement en tant que partenaire d’égale importance, mais en tant que mère, avec une infinie supériorité lui venant de ses droits inhérents et particuliers.
En Inde, même lorsqu’elle n’est pas encore mère, mais une toute jeune fille célibataire, la femme est considérée comme une déesse, « Devi », comme une Kanya-Kumari, une vierge bienveillante. Dans le grand livre sacré qu’est le Ramayana, datant de 3000 ans avant JC, lorsque le roi Rama revint d’exil, il fut accueilli en premier par ces vierges Kanya-Kumari, car elles étaient considérées comme étant de bon augure.
Si Dieu a fait l’homme à son image, on pourrait dire que la Mère de Dieu a fait de la femme la réflexion de l’Esprit–Saint, éternel, pur et omniprésent.
Une prière à la déesse qui se trouve dans le Devi Mahatmya*, un des textes sacrés de l’Inde, dit ceci : « Toutes les formes de la connaissance sont tes aspects, et toutes les femmes de l’univers sont tes formes ». Une autre prière dédiée à la déesse, qui s’appelle le « Kavach de la Devi », témoigne de l’amour que la déesse porte à toute la création, un amour qui ne diminue jamais mais se multiplie, comme les vagues de l’océan. Et l’amour ne s’arrête pas sur un endroit précis mais il s’écoule à travers toutes les veines de son corps.
Son amour est décrit comme étant sans aspiration, sans intérêt particulier. Cet amour n’est pas conditionné, inhibé, il ne désire aucun répit ni retour, il est pur, innocent, libre de tout égoïsme ou de sentiment de possession. Dans son flot, il n’y a ni compétition, ni agression, ni supérieur ni inférieur, comme celui d’une rivière éternelle qui trouverait son bonheur dans la joie de s’écouler librement et qui, lorsqu’elle ne peut s’écouler, ressent de la gêne car elle veut offrir son réconfort.
L’image archétypale de la déesse est celle qui est représentée par Lakshmi, la déesse de la satisfaction et de la richesse. Elle se tient debout sur un délicat lotus rose, offrant sa protection d’une main, accordant des bénédictions de l’autre. Et quand elle s’appelle Gruha Lakshmi, elle représente l’épouse idéale et bienveillante au foyer. Voilà à quel point la femme est importante dans la culture populaire et religieuse de l’Inde.
De même que la nature du soleil est de briller, celle de la rivière de s’écouler, la nature de la déesse faite femme est d’aimer. Cette nature innée ne peut être réduite ou limitée, elle existe telle quelle. C’est un processus vivant, dynamique qui guide, nourrit, conseille, crée et aussi protège.
Dans les Vishnou Puranas*, les textes sacrés dédiés au dieu Vishnou, sa compagne, qui se prénomme habituellement Lakshmi, porte de nom de Sri, celle qui est la souveraine de tous les êtres vivants, car elle est le seul moyen d’atteindre le dieu Vishnou. Son rôle de médiatrice est primordial. Elle adoucit considérablement la colère de son seigneur, l’apaise et éveille en lui un sentiment d’intimité, de douceur et de patience. Lorsque Vishnou menace de punir « la folie des hommes », elle l’interpelle en lui disant: « Mais si tu punis l’être humain au lieu de le sauver, tu perdras ta vertu de salut »; elle a aussi recours à de petits tours pour détourner son attention afin qu’il oublie de punir ses dévots égarés.
Les femmes jouent un rôle souverain en tant que médiatrices. Avec une affection infinie, la femme apprivoise la nature agressive de l’homme. Elle développe des façons conciliantes pour lui enseigner la patience et le pardon.
Dans le schéma de la création, l’homme et la femme sont nés égaux, complémentaires l’un à l’autre, comme les deux roues d’un même char. Si les roues ne sont pas identiques, le char ne peut pas avancer. Ainsi, il y a deux axes de rotation, l’un à gauche, l’autre à droite. Dans un mariage indien, la question de la compétition ou de l’égalité n’entre pas en ligne de compte car le mariage considère l’identité de l’Esprit et non la question de l’égalité des fonctions ou des rôles.
Cette conscience vient de l’archétype du couple dualiste Purusha et Prakriti, comme le Ying et le Yang de la philosophie chinoise. « Purusha » est le principe masculin de l’univers (Ying) qui est le témoin externe du jeu de « Prakriti », qui elle, en tant que principe féminin de l’univers (Yang), créée spontanément toutes les réalités matérielles. L’harmonieuse interdépendance et l’unité des principes masculin et féminin sont racontées dans le Shiva Purana, un autre texte ancien et sacré hindou. Parvati est le pouvoir essentiel de Shiva, elle est nécessaire pour que Shiva s’implique dans la création. C’est seulement en association avec elle que Shiva est capable de réaliser son potentiel. Parvati, en tant que pouvoir, appelé shakti, complète Shiva et l’accomplit. Shiva est décrit comme étant le ciel et Parvati la terre, ce sont encore les mêmes images que dans la philosophie chinoise. Shiva est le sujet, Parvati est l’objet, il est l’océan, elle est la plage. Shiva est le soleil, Parvati sa lumière, les deux ne faisant qu’un: ils sont tous deux les différents aspects d’une réalité ultime.
Dans ce contexte, le mariage est un sacrement pour réaliser la réalité ultime ou chacun assume une position définie qui est complémentaire à l’autre et non antagoniste ni concurrente. Ainsi, réussir un mariage ne consiste pas à répondre à une satisfaction individuelle, mais c’est créer des conditions propices à l’accomplissement spirituel des deux personnes.
Dans un autre texte illustre, le Brihadaranyaka Upanishad, le sage Yajnavalkya explique à l’une de ses deux femmes, Matreyi, la doctrine de l’âme: « Le mari est cher à la femme, non pas parce qu’elle l’aime, mais pour son âme, et vice versa. D’une façon similaire, les enfants, la richesse, le statut social, les écritures et l’univers sont tous précieux, non pas pour eux-mêmes, mais pour la gloire de l’âme. » Il lui parle ensuite de la valeur de l’épouse et de son rôle sacré: sa vie remplit un grand idéal, celui de servir d’axe à l’ordre social qu’elle renforce grâce à sa patience, son attention et sa bienveillance. Le but ultime de la discipline sociale est que l’homme et la femme unissent leurs individualités au niveau d’une conscience collective. Ainsi, l’ordre social est placé au-dessus de la fantaisie individuelle. Mais cet ordre social sert d’armure à la femme, il protège son honneur et montre une grande estime envers elle. Aucune cérémonie ne peut être complète sans elle. Son attachement fidèle à cet ordre social limite l’expression de son ego et la rend capable de réaliser le plus haut niveau de conscience collective. Sa vie est dédiée à servir ce grand idéal. Si sa vie doit s’accorder avec l’harmonie éternelle du couple formé par Purusha et Prakriti, c’est autant dans son propre intérêt que dans celui du collectif.
La nature a accordé à la femme certains attributs, et quand elle devient mère, dans ses bras réconfortants, repose toute la création. La nature de la mère implique un certain sens du sacrifice. Il n’y a pas de pression dans ce sacrifice lorsqu’elle agit par amour.
Dans le livre Les Lois de Manu, Manu fait une prière qui illustre bien cette position élevée de la mère qui est pour lui à l’image d’une déesse qu’il appelle « Matri Devo Bhava ».
« Un maître excelle dix tuteurs en honneur;
Un père excelle une centaine de maîtres;
Mais une mère excelle un millier de pères en gloire. »
Manu-Smriti, 2.145
La grande mère est la Déesse de la Terre. Elle est vénérée en tant que Bharat Mata, la terre patrie du subcontinent indien. Pendant la lutte pour la libération de l’Inde, il a fallu libérer la mère patrie du joug étranger. Le grand poète bengali Bankin Chandra a ému l’âme des Indiens avec son hymne à la mère patrie, « Vande Mataram », « hommage à Toi ma Mère ».
Lors du mouvement de l’indépendance, les étudiants se sont impliqués et ont été battus sans merci par les forces de police. L’esprit de la femme indienne était aussi déterminé dans le cœur des étudiantes, inspiré par la chanson d’une jeune étudiante, Nirmala Salve: « Maa teri jai ho, teri hi vijaya ho », « Gloire à la Mère, victoire à toi! ».
Avec ce chant sur les lèvres et l’amour de la patrie au cœur, les étudiantes ont pris le risque de défiler fièrement jusqu’à se retrouver dans les prisons anglaises. Peut-être que cette conscience du devoir émanait de l’inconscient collectif qui influençait leurs actions.
Voici un autre texte sacré, les Atharva Veda*, où la Terre est désignée comme une mère:
« Le cœur immortel de cette terre, recouverte de la vérité, est le plus haut firmament.
Que la Terre nous attribue éclat et force,
Qu’elle répande sur nous sa splendeur.
La Terre est notre Mère, je suis le fils de la Terre. »
« Les femmes sont le pouvoir le plus fort de la famille. Comme cette Mère Terre, elle prend tous les problèmes sur elle parce qu’elle est la plus forte. Qui d’autre pourrait supporter un tel poids sur elle? La mère. »
Selon Shri Mataji, « Nous, les femmes, sommes comme « Prithvi tattwa » (le tattwa de la Terre Mère). Nous avons tellement de pouvoir que nous pouvons absorber beaucoup de choses et pourtant déverser l’amour de l’intérieur. Ce pouvoir, Dieu nous l’a donné. Par exemple, qui est le plus puissant, le ventilateur ou la source énergétique d’où il tire son pouvoir? La femme est l’océan du pouvoir, et c’est seulement grâce à elle que l’homme est capable d’agir, comme le potentiel et le cinétique. La femme est le potentiel et l’homme le cinétique.
Quand au XVIIè siècle, les forces indiennes du Maharashtra furent défaites par le grand guerrier mogol* Aurangzeb, une jeune reine de 17 ans, Tarabai*, la plus jeune fille du roi Shivaji, réussit à le vaincre et fit construire son tombeau dans la ville appelée depuis Aurangabad. (Page 38 de ce livre)
Une femme est si puissante qu’elle peut travailler plus qu’un homme. Mais en premier lieu, elle doit d’abord respecter ses pouvoirs en restant humble, modeste, digne, compréhensive et compassionnée. L’homme peut être un peu abusif et querelleur, mais la femme ne devrait jamais faire cela. Son travail est d’amener la paix, donner du réconfort et protéger les personnes comme un bouclier. Le bouclier ne peut faire le travail de l’épée mais il est plus puissant que l’épée puisqu’il peut en briser la lame. Celle-ci se brisera, mais le bouclier résistera.
« Une femme doit s’installer dans son pouvoir inné, sa shakti. La modestie est le plus grand axe de cette shakti intérieure, absorbez-la et installez-vous en elle. »
La femme représente la continuité de la vie, une énergie qui ne peut être divisée ni déviée, et elle ne devrait désirer être autre chose qu’elle-même, tant elle peut être puissante. La femme indienne est ce qu’elle est car la culture sociale et spirituelle de l’Inde lui ont permis de rester essentiellement féminine. Grâce à cela, et malgré les limitations de sa sentimentalité et son illettrisme, elle est restée la gardienne d’une culture spirituelle évoluée qui est d’une plus grande valeur pour l’humanité que l’efficacité et la sophistication des cultures de pays « développés ».
LES FEMMES DANS L’INDE ANCESTRALE
Depuis l’époque du Rig Veda*, les femmes ont été considérées comme des partenaires égales aux hommes, dans toutes les sphères d’activité. Elles ont tout autant étudié les sciences physiques que métaphysiques (apara et par vidya) et sont devenues de grands savants, des prophètes et des maîtres. Lorsque le sage Yajnavalkya, époux de deux femmes, Katyayani et Matreyi, a voulu partager ses biens en deux parts égales, Matreyi a décliné son offre en lui disant « Que ferais-je de cette richesse matérielle qui ne me donnera pas l’immortalité ? » Dans le Brihadaranyaka Upanishad, Matreyi est présentée comme la femme spirituelle en opposition à Katyayani qui est très ordinaire.
Les femmes des familles royales ont reçu un entraînement militaire. Par exemple, Mugdalini, femme de Mugdala a conduit le char de son époux sur le champ de bataille et a vaincu l’ennemi.
Le fameux texte qui raconte la vie du roi Rama, le Ramayana, est un long poème de 24 000 vers écrit en sanscrit vers 3000 avant JC. Il donne à la mère une position très élevée dans la société car les paroles d’une mère sont vécues comme des ordres que les enfants ne peuvent transgresser.
Le quatrième livre du Ramayana, affirme que l’épouse est l’âme de l’homme. Dans le troisième livre, lorsque la reine Sita a désiré accompagner le roi Rama dans son exil au cœur de la forêt, le guide spirituel de la maison royale, le sage Vasistha, a cherché à l’en dissuader en lui offrant de régner sur le royaume pendant l’absence de son mari. Mais la respectueuse Sita a refusé son offre en déclarant que la place d’une épouse est aux côtés de son mari. Le mérite et la sagesse politique des femmes érudites ont été très respectés. Il y a l’exemple d’Arundhati, guide spirituel et épouse du grand sage Vasistha, le guide du roi Rama, qui a été l’égale de son mari en connaissance et en intelligence.
Dans la période du Mahabharata* qui a suivi, vers 2000 ans avant JC, les femmes sont toujours très érudites, non seulement en philosophie mais en tous les domaines de la connaissance. Elles ont eu les mêmes droits que les hommes. La femme est la meilleure amie de l’homme et est vénérée pour sa nature propice et ses vertus. Des femmes ont eu le statut particulier d’ascètes comme Sulbha, qui ont erré de place en place à la recherche de la vérité. Même un érudit comme le roi Janaka a respecté la connaissance de Sulbha et s’en est inspiré.
Les femmes de famille royale, bien que profondément spirituelles, se sont montrées très compétentes en politique car l’art de gouverner émane à cette époque de la qualité de bienveillance et est basé sur le dharma*, le code de conduite sanctifié par les écritures. Le premier devoir du dirigeant est de maintenir ce dharma.
Dans un autre livre du Mahabharata, la reine Gandhari, l’épouse du roi aveugle Duryodhana, a refusé de bénir son fils favori lorsqu’il est parti combattre injustement Rama et ses frères. Elle a proclamé hardiment «Yato Dharmastato!», ce qui signifie « victoire aux justes! » car le dharma d’une femme vertueuse va au-delà des attachements familiaux et se rapporte à la patrie.
Le dharma d’une société repose sur la force de caractère de ses femmes. Les reines héroïques du Mahabharata, Kunti, la mère des cinq frères et leur femme et Draupadi, ont des personnalités exemplaires et sont des modèles de vertu, de sacrifice et de droiture.
Elle peut être elle-même une poète, une philosophe, une savante ou une sainte, mais elle ne devrait pas faire elle-même la démonstration de son mérite, ni se mettre en avant au risque de tomber dans la vanité. Aussi érudite qu’elle soit, si le plus grand mérite réside dans le fait d’accomplir son devoir, la femme qui reste absorbée par son travail ne pense même pas à faire sa propre publicité.
Shri Mataji nous explique qu’une femme et un homme sont d’égale importance mais n’ont pas le même rôle ni la même attitude. Une femme devrait rester à l’arrière–plan et laisser l’homme prendre sa place sur le devant de la scène, car elle est le flux de son pouvoir, son énergie. Elle doit préserver les normes et les engagements d’une bonne conduite sociale, car une société juste lui accorde dignité, honneur et protection. Sa grandeur réside dans le fait de servir les autres et d’être la mère de grands enfants.
L’une des tâches les plus importantes qu’une femme puisse faire est de construire des bases solides chez un enfant, car ce que nous parvenons à faire de notre vie découle de la manière dont nous avons été éduqués.
Même si l’être humain ne peut rien créer de vivant, comme une simple fleur, au moins par l’éducation, il peut nourrir des vies innocentes et façonner de grand héros, des hommes d’état, ou des patriotes.
SAVITRI
Au mois de Jyestha, qui correspond à mai-juin, les épouses hindoues orthodoxes jeûnent pendant trois jours pour s’imprégner des vertus de l’épouse idéale Savitri. (Ce qui n’est pas conseillé mais montre l’importance que revêt Savitri).
La princesse Savitri étant l’unique enfant du roi Ashwapati, elle fut élevée dans un luxe royal et reçu une éducation poussée. Elle était très sage et pleine de compassion, ce qui la rendait très populaire auprès de tous.
Quand elle fut en âge de se marier, son père lui demanda de partir pour un long voyage et lui donna la permission de se choisir le mari qui lui plairait. La princesse était très attirée par les lieux de pèlerinage et les ermitages des saints et elle choisit d’aller visiter ces endroits-là en priorité.
Un jour qu’elle traversait une forêt, elle aperçut un beau jeune homme qui portait une hache et un fagot de bois. Son cœur reconnut cet étranger comme étant son futur mari. Or, ce jeune homme n’était autre que le prince Satyavan, le fils du roi Dyamatsena.
Il y a bien longtemps, le roi Dyamatsena avait régné sur le pays de Shalwa. Par malchance, il était devenu aveugle et ses ennemis avaient utilisé la situation pour s’emparer du trône. Le roi s’était retiré dans la forêt avec sa femme dévouée et leur fils Satyavan. Ils vivaient en ermites et pratiquaient des austérités et s’adonnaient à la méditation. Satyavan avait grandi dans la tradition de cet ermitage, il allait ramasser du bois dans la forêt tous les jours et s’occupait de ses vieux parents.
Quand le conseiller du roi, le sage Narada, entendit le nom de l’élu de la princesse, il implora au roi de ne pas célébrer le mariage. Le jeune homme Satyavan était très sage, courageux, et paré de toutes les vertus royales mais il était voué à mourir, dans un an, jour pour jour.
Savitri, en apprenant la nouvelle, fut bouleversée et se mit à trembler. Son père, lui aussi ébranlé, retira son consentement et la supplia de choisir un autre mari. Mais l’âme de Savitri avait reconnu en Satyavan son âme sœur et n’aurait pas pu se marier à un autre.
Devant l’assemblée de la cour du roi, Savitri montra une profonde dignité et une grande maturité en disant: « Que la vie d’une personne soit longue ou courte, riche ou pauvre, l’âme d’une jeune fille ne choisit qu’une seule fois. Elle ne peut pas donner son cœur à quelqu’un d’autre. » La force et la sincérité des paroles de Savitri forcèrent l’admiration de tous et le sage ne put que lui accorder ses bénédictions.
Savitri et son mari étaient très heureux à l’ermitage. Elle servait affectueusement ses beaux-parents assez âgés. Elle aimait tendrement son mari et prenait soin de ses moindres besoins. Les paroles sombres du sage Narada restaient enfouies au fond d’elle mais elle commença à compter les jours. Elle priait avec ferveur pour son mari jour et nuit. Quand l’aube du jour fatal arriva, Savitri décida de rester alerte: elle alla prendre poliment congé de ses beaux-parents qui lui dirent: Puisses-tu ne jamais devenir veuve.
Or, on dit que les paroles venant de personnes pieuses et sages finissent toujours par se produire. Ces mots-là donnèrent à Savitri une force indéfectible.
Satyavan était ravi d’avoir Savitri à ses côtés. Ils chérirent ensemble chaque moment de joie offert par la forêt: les jeunes pousses du printemps, les délicates fleurs, le doux chant des oiseaux. Ils s’assirent sous un banyan, puis Satyavan alla chercher quelques baies sucrées pour elle.
Il revint rapidement vers elle en transpirant abondamment et en se plaignant d’un terrible engourdissement. Savitri savait que l’heure fatale était arrivée. Elle posa la tête de Satyavan sur ses genoux et commença à prier la Mère de l’univers du fond du cœur. La Déesse Mère qui écoute toujours la voix de ses dévots. Soudain, Savitri sentit que quelque chose tirait Satyavan. Elle ouvrit les yeux: Yama, le dieu de la mort, se tenait devant eux. Savitri se prosterna respectueusement devant lui. Yama lui dit que le séjour sur terre de Satyavan était terminé et qu’il était venu pour emporter son âme.
De sa corde, Yama tira l’âme de Satyavan puis il se mit en chemin. Savitri commença à suivre Yama. Il lui demanda de s’en aller pour aller accomplir les rites mortuaires de son mari. Savitri refusa arguant que là où allait son mari elle irait aussi.
Yama essaya de la consoler en lui accordant un vœu. Savitri pensa alors à son beau-père aveugle qui souffrait loin de tous dans la forêt, et elle lui demanda de rétablir sa vue. Yama accorda avec joie la vue au vieil homme.
Pourtant, Savitri continuait à le suivre. Yama lui demanda encore de s’en aller mais Savitri répliqua: « Comment pourrais-je me fatiguer quand je suis mon mari? » Ma destination sera là où vous l’emmenez.
Yama fut si heureux de sa sincérité et de sa dévotion qu’il lui offrit de faire un autre vœu tant que ce n’était pas au sujet de la vie de Satyavan. Les pensées de Savitri, une fois encore, se tournèrent vers ses beaux-parents: Qui s’occupera d’eux dans leur vieillesse? Elle pria donc pour la restauration du royaume de son beau-père et Yama lui accorda aussi ce vœu-là.
Mais Yama n’arrivait toujours pas à se débarrasser de Savitri qui continuait à le suivre.
Il était très impressionné par son désintéressement et par sa compassion à l’égard de ses beaux-parents. Comme elle n’avait rien demandé pour elle-même, il lui offrit de faire un troisième vœu pour elle-même cette fois-ci.
Savitri réfléchit un moment puis pria pour avoir de merveilleux enfants qui répandraient la gloire de leur père.
Yama consentit à exaucer son vœu et reprit son chemin.
Après quelques pas, Yama jeta un coup d’oeil en arrière pour voir que Savitri le suivait toujours. Il s’arrêta et lui demanda pourquoi elle n’était pas repartie. Elle dit très humblement: Vous m’avez bénie du vœu d’avoir de valeureux enfants, mais comment puis-je avoir ces enfants si mon mari n’est plus à mes côtés?
Yama ne put retenir son admiration devant une telle intelligence et une telle dévotion et rendit la vie à Satyavan.
Note:
L’histoire de Savitri appartient à la grande épopée du Mahabharata. C’est l’une des nombreuses histoires que le sage Markandeya raconte aux 5 frères Pandavas, pendant leurs longues journées d’exil.
VIDURA
Cette histoire remonte à la période du Mahabharata.
Quelqu’un qui a un grand cœur considère l’univers entier comme sa famille, car dans un grand coeur, il y a une place pour chacun. Beaucoup de ces reines en Inde en sont un bon exemple, elles qui plaçaient toujours l’intérêt de leurs sujets au-dessus du leur ou de leur famille. La reine Mère Vidura fut élevée dans l’idée de considérer le bien-être des autres comme étant le sien, et cela lui procurait la plus grande satisfaction.
Sa vie nous donne un aperçu de ces vertus communes qui rendent les femmes essentielles à la multitude de relations sociales et familiales qui nourrissent et fondent la société.
Quand le fils de la reine Vidura, le roi Sanjaya, fut vaincu, il vint chercher refuge dans les appartements royaux de sa reine Mère. Mais Vidura le réprimanda et le secoua ainsi: « Reprends courage et bats-toi. Sois sans crainte, sinon les hommes diront que tu es un lâche. Tes amis se moqueront de toi et les ennemis dévasteront ton territoire. S’il faut choisir entre mourir et se cacher comme un couard, mieux vaut briller comme un météore, même pour un instant, plutôt que d’émettre pour toujours une fumée grisâtre. Si tu négliges ton devoir de guerrier, alors mieux vaut mourir. »
Le jeune roi Sanjaya essaya de convaincre sa mère par tous les moyens, faisant appel à ses sentiments maternels. Il lui dit: « Que deviendront votre vie et tous les plaisirs de ce palais si je ne suis plus là? Il vaut mieux fuir le champ de bataille et vivre en paix. »
Vatsalya, les sentiments de tendresse qu’une mère éprouve pour son enfant, la submergea. Mais avec une grande force, elle retint ses larmes et dit: « De même que les oiseaux cherchent refuge dans les arbres qui portent des fruits, la vie d’un homme est bénie quand il entretient ceux qui sont à sa charge. Rends justice à ton nom ô Sanjaya, le conquérant, prends les armes et abats ton ennemi.
Sans doute dans ton enfance, il a été prophétisé qu’une calamité allait t’arriver mais il a aussi été dit que, en suivant le chemin de la justice, tu la surmonterais et obtiendrais la gloire. Tu es comme un navire qui nous portera à travers le l’océan. Bien que difficile au début, avec toutes mes bénédictions et mes prières, tu marcheras sur ce chemin en vainqueur. »
Le roi Sanjaya, ne suivant pas les principes du guerrier, plaida encore une fois sa cause: « Tu n’as pas de coeur et tu ne te soucies pas de la vie de ton fils. Tu ne veux que le royaume pour ton propre plaisir. »
Les frontières du pays étaient en danger et le seul espoir de salut résidait en son fils. La reine savait que le premier principe de Mahalakshmi, la déesse de la famille, était de sacrifier son enfant sur l’autel de la vérité. Elle pria du fond du cœur puis elle déclara avec force à son fils: « Une vraie mère préserve les intérêts de son fils dans son cœur. Si tu fuis ton devoir, non seulement tu seras déshonoré, mais tu n’apprécieras plus la paix ni le bonheur dans ce monde, ni dans le prochain. » Puis elle lui parla du trésor qu’elle avait caché depuis longtemps avec lequel il allait pouvoir lever une armée et lui redit à quel point elle serait fière de son courage et de ses prouesses.
Sanjaya fut profondément touché par la profondeur de son âme. Il se sentit renaître et
partit affronter les ennemis. Il fut victorieux car avec la bénédiction d’une telle mère, comment aurait-il pu perdre cette guerre?
L’amour d’une mère est inconditionnel« nirvajay ». Cependant, la mère doit forger le caractère de l’enfant, l’aider à se développer pour devenir un citoyen responsable, le rendre conscient de ses faiblesses et à partir de ses faiblesses, l’amener à se renforcer. Elle doit le pousser subtilement, avec tout son savoir et son enjouement. Seules les qualités maternelles peuvent mettre en oeuvre l’art d’éduquer un enfant.
Elle peut fermer les yeux sur beaucoup de choses mais au moment approprié, elle le corrige à sa façon, avec une telle douceur que l’enfant ne ressent pas l’aigreur de la correction. Elle absorbe les défauts de l’enfant avec amour. Mais si une mère voulait toujours prendre son enfant dans ses bras et que l’enfant veuille s’accrocher à sa mère, alors ce serait suicidaire pour les deux. En plus d’être une mère, elle est aussi une véritable amie, une consolatrice, une conseillère et un guide. Ses actes ont pour but le meilleur intérêt de son enfant et non son propre intérêt.
En tant que mère et grand-mère, Shri Mataji décrit le pouvoir de l’amour d’une mère: « il est si grand que c’est avec cet amour qu’elle remet les choses à leur place. Ses manières sont douces et n’effrayent pas l’enfant. Seule une mère sait comment réprimander son enfant. Si le père le gronde, il se peut que l’enfant prenne peur. Une mère est altruiste, elle ne veut rien pour elle-même, elle veut que ses enfants aillent bien, acquièrent vertus et qualités. Si une mère pense comme cela, alors ses enfants auront toutes leurs chances dans la vie.
Lorsque les mères sont fières de prendre des responsabilités collectives – ce que leurs enfants apprennent aussi à endosser – il y a peu de place pour les enfants gâtés. Toute leur attention se porte sur la bienveillance de l’esprit. La vérité doit être dite et l’enfant corrigé.
Selon Shri Mataji, la source qui transforme intérieurement un individu est la Kundalini, qu’elle appelle la Mère individuelle. « Cette Mère individuelle qu’est la Kundalini est aimante et connaît tout ce qui concerne un individu à partir de ses vies passées. Elle n’attend que l’occasion de s’éveiller et de donner une seconde naissance. Elle ne peut pas créer de problèmes ou d’ennuis à son enfant. Au contraire, dans son ascension, elle guérit tous les problèmes et établit la conscience sans pensée. Une pensée monte et descend – entre deux pensées se trouve le présent. La Kundalini diminue les pensées et c’est dans cet espace que l’évolution intérieure se produit. »
La manifestation de la Kundalini est le critère déterminant pour l’éducation des enfants. ll est important de savoir ce qui est propice à l’ascension de la Kundalini. Pour cela, la mère elle-même doit assumer sa position d’âme Réalisée, et même après avoir reçu l’éveil de la KundaIini, elle doit mener une vie vertueuse.
C’est seulement ainsi qu’elle peut devenir un exemple à suivre pour l’enfant, car un enfant n’apprend pas mentalement mais par l’observation et par l’exemple. L’enfant reflète le niveau de ses parents. Par conséquent, la mère est la base de l’évolution de la civilisation.
SHABARI
Au-delà des monts Vindhya, dans la forêt de Dandaka, se trouvait l’ermitage du grand sage Matanga. Venus de tout le pays, de nombreux aspirants s’y assemblaient pour le servir en espérant recevoir en retour son instruction. Non loin de là se trouvait la petite hutte de Shabari, une pauvre femme sans éducation. Chaque jour, elle satisfaisait sa dévotion en nettoyant et aspergeant d’eau le chemin qu’il empruntait. Elle déposait un fagot de bois devant sa maison en secret.
Le sage Matanga, après quelque temps, demanda à ses disciples de trouver l’auteur de tous ces bienfaits. Une nuit, l’un d’eux se cacha pour découvrir que c’était la pauvre Shabari qui nettoyait le chemin. Touchée par sa dévotion, le sage accepta de l’initier à la connaissance spirituelle.
La dévotion de Shabari grandissait jour après jour et après plusieurs années, le sage commença à préparer son Mahasamadhi, c’est-à-dire son futur départ de la vie terrestre. Il fit ses adieux à tous ses disciples et dit en particulier à Shabari de ne pas s’inquiéter car Shri Rama lui-même, l’incarnation du dieu Vishnou, viendrait lui donner sa libération, moksha.
Dès lors, Shabari se dévoua entièrement au dieu Rama et passa mes journées à le vénérer.
Sa dévotion était si innocente qu’elle ne pouvait penser à rien d’autre qu’à la venue de Rama. Un jour, on lui dit que Rama était en chemin vers l’ermitage et elle se senti vraiment exaltée. Elle avait tellement de mal à attendre de le rencontrer, d’avoir son darshan, qu’elle se posait beaucoup de questions: Comment vais-je le recevoir? Où va-t-il s’asseoir? Que vais-je lui donner? Elle courut rapidement dans la forêt pour cueillir des baies, myrtilles, fraises des bois. Elle avait si peur que l’une d’entre elles fût amère qu’elle les goûta toutes, l’une après l’autre, et garda les plus sucrées pour Rama.
Alors qu’elle revenait chez elle chargée de ces baies, le bas de ses vêtements frôla accidentellement un sage qui passait par là. Il s’offensa et la réprimanda sévèrement puis alla se baigner dans la rivière. Là, il trouva l’eau curieusement boueuse.
Plus tard, auprès de Rama, le sage coléreux demanda au Seigneur Rama l’origine de cette soudaine pollution. Le seigneur Rama lui répondit que c’était parce qu’il avait humilié sa disciple Shabari. Le sage alla demander pardon à la douce Shabari et comme par enchantement, la rivière redevint pure et claire.
Shabari fut inondée de joie à la vue du Seigneur et tomba à ses pieds. Elle lui offrit les baies qu’elle avait cueillies dans la forêt et qu’elle avait goûtées une par une. Le Seigneur Rama les mangea toutes avec un grand plaisir et les trouva plus sucrées que du nectar.
Le Seigneur Rama était si satisfait de la simplicité, de la sincérité et de la dévotion de Shabari qu’il lui proposa de lui accorder un vœu. Son seul désir, c’était de pouvoir éternellement le vénérer, avec la même joie et la même dévotion.
Le Seigneur Rama bénit Shabari. Dès cet instant, l’âme de Shabari s’envola pour l’infini. Le seigneur Rama lui-même s’occupa de son corps; il alluma un bûcher pour l’incinérer selon la tradition et versa de l’eau sacrée, pour libérer totalement son âme.
La vie de Shabari est l’exemple d’une magnifique obédience. Le Seigneur vit toujours dans le cœur de ceux qui le vénèrent sincèrement. Par une dévotion sincère, on se sent totalement en sécurité et comblé.
SUKANYA
Il était une fois, un grand sage nommé Chyavana qui s’était abstenu de nourriture et d’eau pendant de longues années et était resté en profonde méditation. Ces années difficiles d’ascèses et de profondes méditations avaient réduit le corps du sage Chyavana à l’état de squelette, tant et si bien qu’une fourmilière l’avait enseveli.
Un jour, la princesse Sukanya, fille adolescente du roi local, avait décidé d’explorer la forêt et tomba sur la fourmilière. Elle aperçut alors deux objets brillants comme des pierres précieuses. Succombant à la curiosité, elle enfonça une fine épine dans ces objets brillants, et perça malencontreusement les yeux du sage Chyavana, le rendant ainsi aveugle.
Le sage explosa de douleur et menaça de jeter un terrible sort sur la princesse à moins qu’elle se maria avec lui pour partager son ermitage. Sukanya, se sentant terriblement honteuse, demanda à ses parents la permission de prendre soin du sage en devenant son épouse dévouée. Sukanya servait son mari avec affection, et pratiquait toutes les ascèses qu’il lui demandait. Elle s’habillait avec l’écorce des arbres et le servait avec dévotion, sans même penser qu’il était aveugle, vieux et squelettique. Elle cuisinait les mets les plus délicieux pour lui, s’occupait des vaches et recevait chaleureusement tous les visiteurs qui venaient le voir.
De nombreuses années passèrent ainsi.
Puis un jour, les médecins divins, les jumeaux Ashwinis, traversèrent la forêt. Ils tombèrent sur Sukanaya et furent tellement enchantés par sa beauté qu’ils voulurent l’épouser. Sukanya furieuse se senti outragée par une telle insulte à la fidélité et à la dévotion qu’elle avait pour son mari.
Les Ashwinis furent impressionnés par sa chasteté et sa dévotion et ils lui promirent de restaurer la vue de son mari à condition qu’elle choisisse entre eux trois qui seraient son mari.
Tous les trois s’immergèrent dans l’eau mais le sage en retrouvant la vue, comme promis, s’était transformé en un sosie des deux Ashwinis. On ne pouvait plus les distinguer les uns des autres.
Sukanya ne pouvait plus distinguer son mari. Très troublée, elle ne savait plus à qui prendre la main. Alors elle ferma les yeux et essaya de différencier les personnes selon les vibrations qui émanaient de leur être profond. Elle sut tout de suite qui était Chyavana, son mari et lui passa une guirlande autour du cou, signe qu’il redevenait son époux.
Les Ashwinis bénirent le couple heureux et repartirent déçus, mais admiratifs de la pureté de Sukanya.
MUKTABAI
Le Maharastra fait partie des États de l’Inde. C’est une terre qui a toujours abrité beaucoup de saints et de sages. Son histoire et sa culture sont tellement mêlées de spiritualité qu’il est impossible de les séparer. Elles s’apparentent à une saga de l’évolution humaine où les hommes de Dieu se sont toujours efforcés d’établir les lois de la justice et du devoir (le dharma). Même les chansons folkloriques et les chants religieux racontent l’histoire spirituelle de cette terre. Un chant dévotionnel très populaire, souvent chanté dans la région de la ville de Pune, rapporte un échange entre Muktabai et Namadev, au temple de Vitthal, un autre nom de Krishna, à Pandharpur.
Un grand dévot du Seigneur Krishna, le saint Namadev avait l’orgueil de dire qu’il était le préféré du Seigneur puisqu’il restait toujours au temple de Vitthal. Muktabai voulait le débarrasser de cette illusion de l’ego et refusa de le saluer, lui disant que rester dans un temple n’amenait pas la Réalisation du Soi. Muktabai et Namadev discutèrent longuement et décidèrent d’un commun accord d’aller consulter le Saint Gora, potier de profession.
Le soir même, au moment des chants sacrés, Kirtan, le Saint Gora entreprit de mettre son caractère à l’épreuve. Il prit un bâton de bois et le pointa plusieurs fois dans la direction de Namadev qui se mit en colère. Gora pensa que Namadev était comme un pot en terre non dégrossi qui avait besoin de la direction d’un maître. Il lui demanda ensuite de se rendre chez Visoba Khechar, un disciple de Saint Dnyaneshwara.
Lorsque Namadev rencontra Visoba, en toute humilité cette fois, il est dit qu’il reçut la Réalisation du Soi et qu’il eut une révélation miraculeuse : dans cet univers, aucun lieu n’était vide de la présence de Dieu. Namadev fut submergé par l’amour Divin et son ego fut complètement dissous.
Il comprit que le privilège de rester au temple du Seigneur ne rendait personne supérieur aux autres. Quand il revint au temple, Muktabai fut très heureuse de ressentir les belles vibrations qui émanaient de sa personne, et, humblement, comme la tradition indienne le demande, toucha les pieds de Saint Namadev.
Elle était d’un grand réconfort pour son frère le Saint Dnyaneshwar. Dès l’âge de six ans quand leurs parents ont été contraints par la société de se suicider pour assurer le respect des enfants, elle avait été comme une mère pour lui, apaisante, conseillante et encourageante.
Un jour, Dnyaneshwar fut bouleversé par l’ego des gens et se réfugia dans sa hutte sans plus vouloir en sortir. Elle composa un poème inspirant pour le consoler, parmi les Abhangas (Tatiche Abhanga, le chant au seuil de la porte), et pour essayer de l’amener à sortir de sa hutte, en lui faisant comprendre qu’un saint ne devait pas être perturbé par les petites folies du monde.
« Celui qui est pur pardonne tout.
Le monde est un simple morceau de tissu
tissé avec un fil du Seigneur,
alors sors, O Gynaneshwar. »
Elle mourut électrocutée à l’âge de 18 ans.
PANNA DHAI ou DHATRI PANNA
La noblesse des femmes indiennes ne dépend pas de leur statut ni de leur naissance, mais de leur idéal. L’esprit patriotique de ces femmes se dévoile dans chaque histoire, plus époustouflante l’une que l’autre. Tant de vies ont été sacrifiées sur l’autel la Mère Patrie, « Bharat Mata », que le sol même de l’Inde en est devenu vénérable et vénéré. La noblesse d’une femme ne dépend pas son pays ni de sa lignée mais de ses idéaux. C’est le résultat d’un mode de vie dharmique.
Après la mort de Maharana Sanga de Mewar, ses deux fils lui succédèrent. Leur cousin maléfique Banbir Singh assassina le premier fils et tenta d’assassiner le deuxième fils Udai Singh. Mais sa nourrice Panna eut vent de l’intrigue par un barbier et déjoua son plan. Elle mit rapidement Udai Singh hors d’atteinte en le dissimulant dans une corbeille de fruits puis elle plaça son propre fils dans le berceau à la place d’Udai Singh. Prenant le fils de Panna pour Udai Singh, Banbir assassina le jeune adolescent.
Le cœur meurtri et le souffle coupé, Panna retint ses larmes et s’échappa avec Udai et le fidèle barbier. Ils se réfugièrent chez Asa Sah, le gouverneur de Kumbhalmer. Pour éviter les soupçons, Panna quitta le palais et Asa Sah déclara que Udai Singh était son propre neveu.
Après quelques années, la véritable identité de Udai fut révélée aux nobles de Mewar qui le placèrent sur son trône légitime, bannissant l’usurpateur Banbir Singh.
LA REINE CHINNAMMAJI (XVIIe siècle)
De Keladi
En 1661, il n’était pas inhabituel qu’une reine indienne administrât le royaume pendant le règne de son mari. La Reine Chinnammaji était une femme douée de telles compétences administratives et d’un tel génie que son époux lui donna les rênes du gouvernement en toute confiance. Lorsqu’il mourut en 1677, elle régna encore pendant vingt-cinq ans avec sagesse et équité.
Face au danger imminent, elle abrita le fils de Shivaji, Rajaram, qui était poursuivi par l’armée d’Aurangzeb. Elle repoussa l’armée mogole et la mit totalement en déroute. Aurangzeb fut tellement impressionné par son courage qu’il lui rendit hommage en lui offrant des cadeaux. Lors d’un autre assaut, elle vainquit l’armée de Mysore et réussit à rétablir durablement la paix dans son royaume.
Les œuvres littéraires de Kannada payent un vibrant hommage à cette reine bienveillante. C’était un grand mécène des arts et de l’enseignement et elle fonda de nombreuses écoles et universités. Elle donna généreusement aux organismes de bienfaisance et aux universités.
Elle entreprit des travaux d’intérêt public, la construction de réservoirs, de routes, d’hôpitaux et de systèmes d’irrigation.
Sous sa direction, le système d’administration atteignit une telle perfection qu’il pourrait encore servir de modèle pour les temps modernes. Elle reste toujours un modèle idéal
d’administratrice.
Ahalya Bai (1725-1795)
Les habitants du Maharastra sont réputés pour leur courage et leurs principes et, parmi eux, le roi Malhar Rao Holkar occupe une place particulière dans les annales du Maharashtra grâce à sa vaillance et sa bravoure. Alors qu’il n’avait que huit ans, Malhara s’endormit sur le sol. Un cobra se glissa à ses côtés et monta la garde. Il se dressa pour monter la garde et protégea son sommeil des autres animaux. Cet événement était un signe bénéfique qui annonçait de grands évènements à venir. Mais si Malhar Rao fut un grand roi, on ne peut dire de même de son fils vagabond, qui resta pour lui une source constante de préoccupations.
Un jour que le roi Malhar Rao revenait d’un voyage dans le nord de l’Inde, il entra dans le village de Chaundi, un département proche d’Aurangabad. Comme il se faisait tard, il décida d’aller prier au temple de Shiva. Les fidèles étaient en pleine cérémonie. Le son des conques et le tintement des cloches envahissaient le temple. Bientôt, une charmante petite fille qui avait à peine huit ans passa devant lui avec un plateau couvert d’offrandes, de fleurs, et d’une lampe. Elle vénéra Shiva avec une telle dévotion et une humilité si naturelle que chacun s’en trouva ébloui. Elle eut un impact si profond sur l’esprit du roi qu’il décida instantanément de la prendre comme future belle fille. Elle s’appelait Ahalya.
Dès que la jeune Ahalya franchit le seuil de la famille Holkar, la gloire et la prospérité s’installèrent aussi. Elle devint l’âme de la famille. Elle méditait et priait toujours, même en accomplissant ses tâches quotidiennes. Elle développait une puissante force intérieure et une belle inspiration qui allaient l’aider à faire face aux multiples défis de la vie.
Devant tant de vertus, une femme de la famille s’en trouva jalouse. Elle voulut tester comment la beauté d’Ahalya était perçue des uns et des autres. On lui dit qu’ Ahalya n’était ni belle ni laide; elle avait un air simple, mais une sérénité divine illuminait son visage et apaisait l’âme.
Malhar Rao forma Ahalya à l’art de gouverner. Elle l’accompagnait souvent à la guerre. Elle aimait les paysans comme ses propres enfants. Elle soignait personnellement les malades et tendait une main généreuse aux nécessiteux. Les impôts étaient légers et le commerce florissait.
Alors qu’elle n’avait que vingt ans, le mari d’Ahalya fut mortellement blessé par un boulet de canon pendant le siège du Fort Kumbaheri. Lors de ses funérailles, elle voulut suivre le rite de Sati afin de mourir avec son mari et se jeter dans le bûcher mortuaire, mais le roi Malhar la supplia de renoncer, lui disant qu’elle était son seul espoir. Elle montrait une habilité administrative rare et le Premier ministre du Maharashtra lui confia l’entière charge de l’Etat.
En ce temps-là, les dirigeants n’étaient pas bienfaisants envers leurs sujets, sauf Ahalya, dont le nom n’évoquait pour le peuple qu’un gouvernement juste et bienveillant. Même si c’était une personne d’une grande gentillesse qui faisait preuve de beaucoup d’humanité et de justice, si besoin était, elle pouvait gouverner d’une main de fer. Quand les Chandravat Rajputs se révoltèrent contre elle, elle guida personnellement les forces et écrasa la révolte.
Ahalya n’eut pas de chance dans sa vie de famille. Son fils unique mourut de folie. Raghoba, l’oncle de Peshava, pensa qu’il pouvait prendre le dessus sur une femme et projeta d’envahir son territoire. Bien qu’endeuillée, elle rassembla un régiment de femmes et envoya un avertissement à Raghoba: « Je suis une femme, mais réfléchis à ce qui se passerait si c’était l’inverse. » Raghoba se sentit honteux et tenta de s’excuser en disant qu’il se préparait seulement à une visite de condoléances.
Ahalya Bai était aussi profondément religieuse et très spirituelle. Au soir de sa vie, elle dut affronter la douleur de voir sa fille mourir et ne se remit jamais du choc, embrassant alors une vie d’austérité.
Elle construisit une nouvelle capitale à Maheshwar, sur les rives de la rivière sacrée de Narmada. Elle encouragea les entreprises de textile à se développer et rapidement les saris de Maheshwar devinrent célèbres. Elle mourut en 1795.
On se souvient d’elle comme d’une reine exemplaire qui n’a vécu que pour servir autrui. Elle mit tout son cœur à créer du bien-être pour son peuple. Elle construisit des puits, des routes, des maisons de repos, des écoles… et mena la construction et la rénovation d’un certain nombre de temples hindous.
Une poétesse écossaise écrivit sur elle ces termes élogieux :
« Pendant les quarante ans de son règne de paix, les bienfaits ne cessèrent d’augmenter dans le pays;
Et elle fut bénie par chaque langue, par les sévères et les doux, par les jeunes et les vieux.
Et là où ses œuvres d’amour ont résisté au temps, sur les chemins de montagnes, sur la colline ou la plaine,
Là, pendant quelques instants, s’arrête le voyageur, et il les regarde avec un sourire triste,
Ses lèvres murmurantes semblent dire,
« Ce sont les œuvres d’Ahalya Bai
Bon était son cœur, et lumineuse sa renommée,
Et Ahalya était son nom honoré. » »
La reine Chennamma de Keladi (1671-1696)
Parmi les guerriers de l’époque médiévale indienne et dont la civilisation hindoue est grandement redevable, on découvre la reine Chennamma. Pendant 25 ans de 1671 à 1696, elle a gouverné le petit royaume de Keladi, (aujourd’hui l’Etat de Karnataka) et s’est battue avec la vigueur d’un guerrier malgré une silhouette très féminine.
La reine Chennamma s’occupait des sujets de son royaume et des serviteurs du palais avec beaucoup d’amour comme s’ils étaient ses propres enfants. Elle n’était pas seulement la femme du roi, mais aussi son conseiller et son ministre de confiance. Si le gouvernement leur avait fait quelque injustice, les sujets qui avaient peur d’aller au roi, se tournaient vers la reine. La reine a été une source d’inspiration pour son mari pour protéger les vertueux. Les habitants de Keladi étaient très attachés à leur reine.
Toutefois, cette situation idyllique ne dura pas. Un jour, lors de la fête du Navaratri, au dernier jour de Dassera, une danseuse célèbre donna un spectacle devant le couple royal. Elle hypnotisa littéralement le roi qui lui donna beaucoup d’argent pour la récompenser de son talent. La danseuse fut promue danseuse de la cour royale et ses parents emménagèrent avec elle près du palais. Petit à petit cette famille d’intrigants prit la place de la reine et le roi déserta le palais et oublia sa femme. Il tomba malade et sa santé se dégrada. Même les ministres et les officiers respectés devaient se rendre à la maison de la danseuse pour discuter de questions d’Etat.
Chennamma se sentait très triste de voir que son mari qui l’avait aimé si profondément ne venait plus jamais au palais. Elle était toujours en larmes. Auparavant, ses sujets étaient fiers d’avoir un roi idéal comme souverain. Mais maintenant, leur roi ne pensait plus au royaume. Il était comme drogué par cette famille qui l’avait détourné de son devoir et ne pensait qu’à son propre plaisir.
Les nouvelles du mauvais état de santé du roi firent rapidement le tour du royaume et en raison de son indifférence, le chaos se propagea dans la région. Le roi n’avait pas de descendance et cela poserait un problème de succession s’il venait à mourir subitement. De nombreuses personnes se mirent à comploter en vue de prendre le trône. Le sultan de Bijapur, qui avait souvent été vaincu par les rois de Keladi, trouva lui aussi que le moment était opportun d’attaquer le royaume.
LA REINE DURGAVATI (1524-1594)
Chaque clan Rajput est fier des actes héroïques de ses ancêtres. La mémoire d’ancêtres vaillants leur inspire de hautes aspiraitons. Les gens du Gondwana dans la partie nord du Madhya Pradesh se souviennent avec fierté de leur reine accomplie Rani Durgavati.
Durgavati donna naissance à un fils en 1545 mais lorsque son mari mourut vers 1550, il était trop jeune pour assumer le pouvoir. C’est de cette façon que Durgavati devint la reine du royaume de Gondawana.
La reine Durgavati était une personnalité d’une grande détermination et de sagesse. Elle fit construire de nombreux lacs dans son État et contribua beaucoup au bien-être de son peuple. Sous son règne, le commerce et l’agriculture étaient prospères. Elle était aussi très habile au tir et elle avait l’habitude, dès qu’un tigre faisait une apparition dans sa contrée, de dire qu’elle ne boirait pas avant de l’avoir tué.
Vers 1564, l’empereur Akbar alors qui était âgé de 22 ans, déclara la souveraineté sur son royaume. La reine lui envoya une réponse montrant à quel point elle était indignée:
« Vous choisissez d’attaquer, moi je choisis de rester libre. Les épées de mes ancêtres ont gagné les honneurs par le sang de leurs agresseurs. Le vaillant meurt, mais ne craint pas la mort. Nous sommes prêts à vous affronter avec la force de notre foi en Dieu. Nous vous offrons une amitié sur un pied d’égalité, mais refuserons d’être considérés comme vos inférieurs.»
La réponse fit enrager Akbar mais en même temps, elle éveilla en lui une curiosité envers cette reine si pleine de bravoure. Il envoya deux de ses meilleurs généraux, Asaf Khan et Khan Abdul Majid, afin de kidnapper la reine et de la ramener en vie à sa cour.
Avant la bataille, la reine alla prier dans la forteresse de Churugarth, puis elle enfila son armure et enfourcha un éléphant. Durgavati décida alors de mener elle-même ses troupes au combat. Elle leur dit: Mieux vaut mourir en combattant pour la patrie que de vivre dans le déshonneur.
L’ennemi se trouvait dans la vallée et les soldats de la reine attaquèrent. Les deux camps perdirent quelques hommes, mais Durgavati remporta la bataille. Elle chassa l’armée mogol et sortit de la vallée.
Elle avait infligé deux défaites successives à l’armée mogol et voulait attaquer immédiatement l’ennemi la nuit tombée. Mais ses lieutenants n’acceptèrent pas de la suivre. Or, elle aurait sans doute complètement écrasé l’ennemi durant la nuit, si ses hommes l’avaient soutenue jusqu’au bout.
Son fils Vir Narayan prit part à la deuxième bataille mais fut blessé grièvement et la plupart de ses partisans fuirent le champ de bataille. Durgavati reprit vaillamment la tête des combats accompagnée de trois cents soldats loyaux, jusqu’à être elle-même sérieusement blessée par deux flèches.
Son cornac lui conseilla de quitter le champ de bataille, mais elle refusa. Elle dit farouchement: Bien que vaincue au champ de bataille, je n’ai pas été vaincue sur le champ des honneurs. Elle dégaina ensuite sa dague aiguisée et se poignarda elle-même.
Sa tombe se trouve encore entre les collines de Gondawana et son esprit reste toujours une source d’inspiration pour combattent en l’honneur de la Mère Patrie.
La reine mère Mayanalla (XI siècle)
Les splendides monuments du Gujarat racontent l’histoire de leur bâtisseuse, la reine Mayanalla. Quand son mari, le roi Karna I, mourut prématurément en 1094, elle prit en main les rênes du royaume et éleva son jeune fils Jayasimha dans l’esprit d’un futur grand roi. C’était une reine bienveillante qui travaillait sans repos pour le bien-être de son peuple. Elle est célèbre pour avoir fait construire deux lacs très connus, celui de Munsar près de Viramgam et le lac de Malva à Ahmedabad.
La reine Mayanalla était une simple reine, à l’image de la déesse Rajalakshmi, qui est la déesse de la générosité, et qui représente l’aspect royal de la femme. Elle dirigeait sans exercer la moindre pression royale sur quiconque. Les légendes populaires du pays de Gujarat rendent un hommage brillant à son sens de la justice et de l’équité.
Une de ces légendes raconte qu’au moment de construire le fameux lac Malav, la maison d’une courtisane empêchait la symétrie de celui-ci et devait être démolie pour donner au lac une belle forme régulière. La reine offrit alors une importante somme d’argent pour acquérir la maison, mais la courtisane refusa en disant: «Je vais devenir célèbre avec votre lac!». Elle menaça aussi de sacrifier sa vie si sa maison était démolie.
La reine aurait pu facilement l’évincer grâce à son autorité royale, mais son sens de la justice aurait été bafoué. Elle préféra contourner la maison de la courtisane.
Depuis, il y a un dicton populaire au Gujarat qui dit : « Si tu veux voir l’œuvre de la justice, va voir le lac Malav ».
NUR JAHAN BEGUM (1577-1645)
Dans les tombes solitaires de la vaste campagne indienne reposent les restes de beaucoup de grandes figures féminines, notamment ceux de reines et de princesses. Une tombe très simple, dans un parc près de Lahore au Pakistan, porte cette humble épitaphe:
« Sur la tombe de cette pauvre étrangère
Il n’y a ni lampe ni rose,
Pour qu’aucune aile de papillon ne brûle
Ni aucun rossignol ne chante. »
Ces quelques paroles sont les dernières que l’impératrice mogole Nur Jahan a voulu laisser derrière elle.
Au moment de sa mort, elle s’en était totalement remise à Dieu. Elle dit:
«Allah sait tout. Je suis née dans le désert et maintenant, mes os redeviendront sable dans ce désert.»
Elle doit avoir atteint le paradis pour avoir fait preuve de tant d’humilité et d’obédience.
Pendant onze ans, elle administra le plus grand empire du monde car son mari, l’Empereur Jahangir, se reposait entièrement sur ses capacités administratives et son sens politique. Il fit même frapper des pièces en argent à son effigie avec l’inscription suivante: «La beauté de l’argent est portée au centuple quand le nom de Nur Jahan y est gravé.»
Nur Jahan était une impératrice remarquable, aux talents variés, une poétesse qui écrivait en persan sous le pseudonyme de « Makhfi ». Elle développa une variété de plats cuisinés, de bijoux, de vêtements et inventa l’essence de rose. Elle laissait tremper des pétales de roses dans l’eau de son baim pour embellir sa peau.
C’était aussi une cavalière chevronnée, renommée pour ses talents d’archer. Un jour, elle réussit à abattre quatre tigres. La légende veut qu’une de ses flèches perdues frappa à mort un humble laveur. Lorsque la femme du laveur se plaignit auprès de l’empereur, il lui ordonna de venger la mort de son mari en lui décochant une flèche en plein coeur, car il était l’époux de la fautive. Devant une telle droiture, la femme du laveur fut tellement touchée qu’elle pardonna immédiatement la faute de la reine.
Une cloche spéciale était installée à l’extérieur de la cour royale pour les plus pauvres: à chaque fois qu’ils voulaient faire appel à la justice, ils faisaient sonner cette cloche et l’empereur leur faisait audience.
Avant de rendre son dernier souffle, elle demanda à son médecin de révéler aux femmes le secret de sa propre réussite: «Je n’ai jamais dit «non» à mon époux; l’obéissance tout en sourire a été le secret de ma réussite. J’ai dirigé le plus grand empire en acceptant de n’être dirigée que par un seul homme, mon époux.»
LA REINE LAKSHMIBAI de JHANSI (1835-1858)
Les ruines des anciens palais de l’Inde racontent des histoires d’honneur, de beauté et de sacrifice incroyables. Chaque pierre du fort Jhansi est un monument à la gloire.
Les historiens indiens ont rendu un grand hommage à leur reine Lakshmi Bai, en disant que le sol même de Jhansi était sanctifié par le sacrifice héroïque de sa reine. Cette histoire lui rend hommage.
Le roi et la reine de Jhansi adoptèrent Anand Rao, le fils du cousin du roi. Cependant, quand le chef marathe mourut, le Gouvernement britannique refusa de le reconnaître en tant qu’héritier du royaume car il avait été adopté. Ainsi, l’État de Jhansi fut annexé par l’administration britannique et une pension dérisoire de Rs. 5000 par mois fut allouée à la reine.
En mai 1857, les premières révoltes pour l’indépendance de l’Inde éclatèrent dans de nombreux endroits du Nord. Or, la reine Lakshmibai bouillait d’un fort sentiment de patriotisme et était impatiente de secouer le joug britannique. Elle rejoignit l’insurrection et proclama son autorité sur l’ensemble de son Etat. Elle dirigea elle-même son armée en portant un uniforme militaire. Elle défendit courageusement le fort de Jhansi contre les Britanniques mais fut contrainte de s’enfuir tragiquement à travers les rangs britanniques.
La reine était consciente de l’ampleur de la tâche qui l’attendait: sans une armée organisée, les Britanniques ne pouvaient pas être renversés. Elle unit alors ses forces à celles du puissant commandant Tatia Tope et se mit à recruter des soldats dans tout le pays.
Puis lors d’une attaque surprise audacieuse, les forces combinées de la reine et du commandant prirent l’imprenable fort Gwalior, avec ses vastes réserves d’armes et de munitions. Le maharaja de Gwalior s’enfuit pour sauver sa vie, mais la plupart de ses soldats se rallièrent à la force de la reine Lakshmi Bai.
Les Britanniques furent naturellement fort surpris de voir une attaque aussi audacieuse. Ils commencèrent à avoir peur de cette reine aussi téméraire. Alors, ils firent revenir sur-le-champ leurs meilleurs cavaliers qui avaient combattu à Balaclava lors de la guerre de Crimée, et les lancèrent face aux troupes de Lakshmi Bai. Les Britanniques étaient équipés d’un arsenal bien plus moderne que celui de l’armée de la reine, dont les armes ne faisaient pas le poids face à celles des envahisseurs. Malgré cela, les forces de Jhansi combattirent jusqu’au dernier homme.
Sur son cheval, la reine résistait vaillamment et ne voulait pas s’arrêter. Seule une balle eut raison de son courage. Blessée, elle tomba au sol et cessa le combat.
Le commandant britannique, le général Rose, était tellement frappé par sa vaillance, qu’il salua son corps gisant à terre, et prononça ces paroles empreintes de respect:
« Nous avons peut-être gagné la bataille, mais la gloire revient à la reine de Jhansi! »
JIJABAI (1594-1674)
L’Inde est un vaste continent aux divers climats, mais historiquement et spirituellement le pays a toujours été considéré comme une seule nation. Depuis l’Antiquité, la conscience d’une mère primordiale commune s’est toujours manifestée, peut-être portée par une conscience collective. Au fur et à mesure que la population s’est agrandie, l’unité familiale s’est élargie aux clans puis aux tribus; mais la conscience d’une Mère de l’Univers commune a continué de rester le lien qui les unissait. L’amour de la Mère primordiale s’est manifesté dans le culte de la Déesse Mère.
Les bienfaits de la terre fertile ont été attribués à la bénédiction de la Déesse de la Terre appelée « Bhârat Mata ». L’Inde s’est appelée « Bharatavarsha » d’après le nom du grand roi Bhârata qui régna du sud des Himalayas enneigés au nord de l’océan Indien avec sept chaînes principales de montagnes.
Malgré leur prospérité, les gens menaient une vie pieuse et étaient attentifs à leur évolution spirituelle intérieure et étudiaient profondément la nature de l’existence. En accord avec leur esprit intérieur, ils développèrent une grande sagesse et mûrirent leur philosophie, bien avant même le penseur grec Pythagore.
Vers l’an 1000, la grande richesse de l’Inde faisait déjà beaucoup d’envieux. Au XIII siècle, le Turc Mahmud de Ghazni, venu d’Afghanistan parvint à conquérir toute la région du Penjab et s’établit dans la vallée de l’Indus, imposant la religion musulmane au nord de l’Inde.
Puis au XVI siècle, les Mogols prirent le pouvoir aux Afghans et établirent un grand empire qui dura jusqu’à l’arrivée des Britanniques. Toutes ces agressions visaient à exploiter la richesse de l’Inde, mais elles n’avaient pas réussi à pénétrer son tissu spirituel.
La domination musulmane n’avait donc pas supplanté la philosophie bhârat. Les dirigeants étaient pour la plupart bigots qui essayaient de convertir les habitants à l’Islam par la force ou la corruption. Mais des jalousies mesquines et des dissensions internes empêchaient les dirigeants hindous d’offrir une résistance coordonnée contre l’envahisseur.
Pourtant, l’esprit de la femme indienne n’avait jamais cédé et à chaque coup, elle semblait plus déterminée à se débarrasser du joug étranger. Une femme peut ne pas être capable de se battre physiquement mais elle peut éduquer le sens des valeurs et du dharma à ses fils. C’est ainsi que Jijabai pria avec ferveur la déesse Shivani pour avoir un fils qui libérerait la terre de la tyrannie étrangère.
Jijabai, la mère de Shivaji, était alors la reine la plus remarquable du Maharashtra. Suite à un conflit entre son mari et son père, elle fut déchirée de choisir entre la loyauté envers son père ou celle envers son mari. Bien versée dans les devoirs d’une femme mariée, l’épouse déterminée eut le courage de soutenir son mari.
Les choses empirèrent quand son mari Shahji devint un valeureux général au service du Nizam, tandis que Jadhav Rao quittait son service pour rejoindre les forces armées mogoles ennemies du Nizam.
Jijabai ne regarda jamais derrière elle. Quand son mari fuit l’armée mogole, Jijabai, qui était enceinte de quatre mois, n’arriva pas à suivre le rythme de son mari et fut bientôt rattrapée par les forces mogoles dirigées par son père. Elle refusa de revenir avec son père et resta en arrière au fort de Shivaneri. C‘est là qu’elle donna naissance à un second fils, qu’elle nomma Shivaji en l’honneur de la déesse Shivani, gardienne du fort de Shivaneri. Ses prières avaient été exhaussées.
Jija Bai éleva son fils Shivaji dans la culture du respect du dharma, lui racontant les histoires
des grands héros et héroïnes indiens pour lui inculquer vaillance et courage. Elle consacra toute son énergie à développer sa personnalité, lui insufflant les vertus d’honnêteté, de droiture, de bienveillance, de justice, de tolérance et d’esprit franc. Il apprit ses compétences administratives auprès du Jagir de Pune mais c’est elle qui lui transmit sa vision d’un Maharastra libre et son le désir de secouer le joug étranger.
Un jour, Shivaji souhaita devenir un ascète. Jija Bai le lui interdit et le renvoya à ses responsabilités politiques. En effet, elle fut la force qui le mena d’une victoire à l’autre. Sous sa direction, chaque acte était fait dans l’obéissance au dharma et dans la crainte de Dieu.
Quand Jija Bai reçut un message désespéré des femmes du fort de Kondhana (renommé ensuite Singahad) dont l’honneur était en péril, elle demanda à Shivaji de faire avec elle une partie d’échecs. Elle gagna contre son fil et comme prix, exigea qu’il reprit le fort aux mains des ennemis. Bien que les armées étaient loin d’être égales, Shivaji envoya Tanaji, le plus grand général de leur armée, alors qu’il était à la veille de marier son fils.
Il n’y avait aucun moyen d’escalader le fort invincible. Tanaji avait formé de grands lézards pour escalader les murs. Une corde était attachée autour d’eux et avec leur soutien un homme pouvait grimper au sommet. Les Marathes combattirent farouchement et regagnèrent le fort mais Tanaji fut mortellement touché.
Bien que le drapeau des Marathes fut hissé sur le fort, les soldats pleurèrent la mort de ce grand fils du Maharastra. Shivaji, le cœur lourd de la perte de Tanaji, informa sa mère: « Le fort a été gagné mais le Lion été perdu. »
Jijabai était en avance sur son temps et était un grand réformateur social. Au cours de l’invasion mogole, de nombreux hindous avaient été persécutés et forcés d’embrasser l’Islam. Et une fois convertis, il ne leur était plus possible de se faire accepter dans le giron hindou, quel que soit le patriotisme dont ils avaient fait preuve. Jijabai voulut briser ce tabou et permit la reconversion de ces personnes à l’hindouisme. Pour montrer que leur statut n’était pas inférieur aux autres hindous, elle maria sa propre petite-fille à un de ces hommes.
Puis Shivaji partit pour la cour de Moghul et laissa Jija Bai tenir les règnes de l’administration. C’était une reine bienveillante qui travaillait jour et nuit pour le bien-être de son peuple avec une énergie étonnante. Elle était facilement accessible et si quelqu’un avait un grief, il pouvait toujours s’adresser à elle pour obtenir réparation. C’est à sa sagesse astucieuse et son caractère fort que nous devons la fondation de l’Empire du Maharastra.
Elle a vécu assez longtemps pour voir le couronnement de son fils entant que Chatrapati Shivaji.
TARA BAI – REINE de KOLHAPUR (1675 – 1761)
Lorsque toutes les forces marathes furent vaincues et démoralisées, la reine Tara Bai, alors âgée de dix-sept ans, sauta sur le devant de la scène et contrecarra l’invasion musulmane.
Pendant les sept années qui suivirent la mort de son mari Rajaram, le fils cadet de Shivaji, elle commandait elle-même les forces indiennes, déplaçant sa cavalerie de fort en fort avec une déconcertante rapidité qu’elle devait à son génie militaire. D’un courage inébranlable, elle tenait tête au puissant empereur Aurangzeb et continuait d’organiser la résistance marathe. Il ne put ainsi imposer la domination moghole au Deccan.
Tara Bai était à la fois capable et ambitieuse. Elle voulait un trône pour son propre fils et fonda la Maison du Gouvernement Collatéral de Kolhapur.
LA REINE PADMINI
Avant de partir en guerre, les guerriers avaient coutume de rechercher les bénédictions des aînés. Leurs épouses appliquaient sur leur front un point rouge vermillon (de cumcum, une pâte végétale) pour attirer sur eux la protection divine. Les armes étaient aussi consacrées, on offrait aux épées des prières pour avoir la victoire. Les maris étaient prié de sauver l’honneur du clan. “Ne pensez pas à votre famille mais à sauver l’honneur du clan. Rappelez-vous que bien mourir, c’est vivre pour toujours”.
Il y avait également ce pacte silencieux qui disait que si l’homme fuyait au combat, il ne reverrait jamais sa femme. Et si l’honneur des femmes était en péril, face à l’ennemi, elles préféraient se jeter dans un brasier, cet acte ultime s’appelle Jauhar, plutôt que de voir leur chasteté compromise par leurs ennemis.
Peu d’hommes peuvent atteindre une certaine grandeur sans être tendrement nourris par leur épouse. La femme possède le pouvoir d’inspirer chez l’homme des qualités et c’est pour elle un pouvoir infiniment plus grand que tout autre qui lui serait conféré.
La beauté de la reine Padmini était si grande que le Sultan mongol Allaudin Khilji finit par entendre parler de l’épouse du roi Rana Rattan Singh de Mewar. Or, conformément aux usages qui avaient fini par pénétrer la société indienne, Padmini était voilée (purdah) et se cachait du regard des étrangers.
Le sultan mit au point une ruse pour s’introduire auprès d’elle en se faisant passer pour son frère et en se présentant au palais avec des cadeaux, demandant à les lui remettre en personne. Il saurait alors juger personnellement de sa beauté.
Padmini accepta la proposition à la seule condition que le sultan ne vît que le reflet de son image dans un miroir. Ensuite, il fut si charmé par son exquise beauté qu’il menaça d’envahir son palais, la fameuse citadelle de Chittor, si la reine ne lui fut pas livrée.
Les habitants du royaume ne pouvaient tolérer l’insulte à la chasteté de leur reine, car elle représentait l’honneur de toutes les autres femmes. Alors ils eurent l’idée de feindre d’envoyer 100 palanquins censés être l’entourage de la reine. Mais chaque palanquin dissimulait un soldat armé jusqu’aux dents, les porteurs du palanquin étant eux-mêmes des lanciers.
Les troupes du sultan se réjouissaient déjà de la soumission de la reine en buvant et faisant la fête. Dès leur entrée dans le camp ennemi, les forces de la reine attaquèrent par surprise et infligèrent de lourdes pertes à l’armée du sultan. Mais leur supériorité numérique finit par avoir raison des Indiens et tous furent finalement massacrés.
Lorsque Padmini ne vit pas la fumée, symbole de victoire, elle comprit que tout était perdu. Elle convoqua alors toutes les femmes de la citadelle et s’adressa à elles:
«Puisque notre honneur est mis au défi par ces barbares, que celles parmi vous qui préfèrent mourir par le feu me suivent dans le brasier pour faire acte de Jauhar.
Après avoir offert une dernière prière à la Déesse Jagadamba, elles abandonnèrent paisiblement leur âme dans le feu pour sauver leur honneur.
Remarques:
Même si ce sacrifice peut nous paraître contraire à la culture occidentale, pour une Indienne, préserver son honneur est la seule façon de pouvoir continuer à vivre. Un compromis sur les valeurs morales n’était pas pensable.
La chasteté des femmes est le fondement de la structure sociale depuis des temps immémoriaux. Le dieu Ganesha à tête d’éléphant représente l’enfant idéal, innocent, sage, pur, et la mère d’un tel enfant ne peut être que chaste et vertueuse.
Autant dire que les idées freudiennes, d’un amour incestueux entre une mère et son enfant, n’ont jamais pris en Inde. On s’adresse à une jeune fille comme à une jeune soeur, « didi », sans autre intention cachée. Une femme étrangère sera appelée avec respect « mère » ou « ma ».
Une femme enceinte est tenue dans le plus haut respect et considérée comme porteuse de bénédictions. Derrière chaque grand homme, on peut sentir les bénédictions d’une mère ou d’une femme. D’ailleurs, chaque dieu hindouiste a son alter ego féminin qui représente son pouvoir de création.
Ces principes ont été ancrés dans la psyché indienne, et jusqu’ici une femme s’était toujours sentie à l’abri dans n’importe quelle situation, à n’importe quelle heure du jour. En retour, elle était elle-même une source de sécurité pour ses enfants.
Par contre, cette situation s’est terriblement dégradée en quelques années suite aux vagues de nouveaux arrivants dans les villes, totalement déracinés et ayant coupé le lien avec leur culture traditionnelle, laissée au village d’origine. Dans les films populaires de Bollywood, l’influence de la culture occidentale se fait aussi ressentir dans la mise en scène d’une séduction impudique qui n’a plus rien d’innocent. Les films dévoilent aujourd’hui le corps des acteurs et actrices qui, il y a peu de temps, n’étaient que suggérés. Il y a une perte de l’imagination au profit d’une exhibition crue de la sexualité.
CORNELIA KARUNA SALVE (1892-1970)
Cornelia Karuna naquit le 20 décembre 1892 dans le village de Nandgoan. C’était alors la coutume, et c’est encore très souvent le cas, de prénommer une fille du nom de sa grand-mère. Il était donc de bon augure de donner le nom de Cornelia à ce bébé, comme celui de la célèbre mère de la famille Gracchi, dans la Rome antique, qui avait déclaré que ses deux jumeaux étaient ses seuls joyaux, en réponse aux propos d’une aristocrate qui chérissait ses pierres précieuses. De plus, les Jadhavas de Ahmednagar, ville du Maharashtra, souhaitaient invoquer la vertu de la compassion dans son prénom, c’est pour cela qu’ils rajoutèrent celui de Karuna. Elle s’appela donc Cornelia Karuna.
Cornelia était une enfant très active, dynamique et sereine. A son adolescence, elle montra de réelles dispositions pour les mathématiques, ce qui posa un dilemme à ses parents: à une époque où les femmes étaient confinées aux tâches domestiques, l’idée d’exposer une jeune fille poursuivre des études universitaires dans une université ouverte était une première. Mais Cornelia était déterminée et elle réussit à être l’étudiante du fameux mathématicien indien Wrangler Paranjpe. Elle la première femme à être reçue à l’examen de la licence de mathématiques, avec les honneurs de l’Université Fergusson à Pune.
Cornelia, en véritable mathématicienne, conçut des méthodes nouvelles pour réduire les étapes du raisonnement algébrique, ce qui lui valut une large reconnaissance de ses pairs. Même le Shankaracharya de Purihad s’inclina devant son interprétation des mathématiques indiennes.
Les talents de Cornelia étaient variés; elle maîtrisait le sanscrit, l’urdu, l’hindi et l’anglais, et étudiait même le droit. Malgré cela, elle resta toujours modeste et garda toujours le sens des réalités de la vie. Elle avait des idéaux très élevés et vivaient en accord avec eux. Par exemple, elle filait elle-même le fil qui servait à tisser l’étoffe de ses saris, qu’elle restreignait au nombre de 6. A chaque fois qu’elle avait un nouveau sari, elle en donnait un plus ancien à de moins fortunées.
En tant que proviseur du lycée Ste Ursula, elle trouva que le fabuleux salaire de 125 roupies par mois était trop pour elle et elle proposa de redonner 100 roupies: 25 roupies par mois, c’était largement suffisant pour elle! Quand le bureau de la direction refusa, elle les donna à une œuvre de charité. Elle avait de l’autodiscipline, était extrêmement honnête et très respectée pour sa simplicité. Elle était pleine de sagesse et de compréhension. Son père, de condition très aisée, avait l’habitude de rapporter à la maison des raisins importés de Chaman. Jamais elle ne voulut toucher à ces mets exceptionnels, par égard pour les millions de gens qui mouraient de faim sous la tyrannie britannique.
En 1920, elle épousa un brillant avocat, Shri P.K. Salve, veuf et père de cinq enfants. C’était en quelque sorte un mariage idéal entre deux personnes au cœur plein de compassion et d’élévation spirituelle. Leur amour de la patrie trouva une façon de s’exprimer grâce à leur rencontre avec le Mahatma Gandhi en 1928. Dès lors, leur vie ne fut plus jamais la même, aucun sacrifice n’était de trop pour la cause. Tous les samedis, Cornelia allait ainsi aider à nettoyer les habitations des Intouchables que le Mahatma Gandhi appelait les Harijans, c’est-à-dire le peuple du dieu Shri Krishna.
Elle fut élue présidente du Congrès dans les provinces du centre. Dans le combat pour l’indépendance de l’Inde, elle et son mari se retrouvèrent plusieurs fois en prison. L’année 1942 fut particulièrement éprouvante; son mari fut emprisonné pendant près de deux ans, ne laissant aucun revenu pour élever les 11 enfants. Son grand sens de la dignité l’empêchait d’accepter l’aide de ses amis. Cornélia ouvrit alors un « Gram Udyog », un magasin de village dans sa maison, pour subvenir aux besoins de sa famille. Son activité ne refroidit nullement son ardeur à poursuivre la lutte pour la liberté de son pays.
En 1934, un message secret circula indiquant qu’une très importante réunion allait se dérouler au parc de Chitnis où les gens prêteraient serment de lutter jusqu’à la dernière goutte de leur sang. Confiant la garde de la famille à sa fille Nirmala âgée de 11 ans, elle s’y rendit, monta sur scène et fit le serment. Pour avoir fait ce geste provocateur, elle fut arrêtée, puis assez vite relâchée grâce à l’intervention d’une famille d’amis et aussi parce qu’elle avait encore la charge de 11 enfants (suite au décès d’un garçon du premier mariage de son mari).
Entre la prison et son travail, Cornelia se dévouait à ses enfants, qu’elle élevait avec beaucoup d’amour, mais aussi une stricte discipline. Un visiteur ne partait jamais sans avoir pris son repas, c’était une règle d’or. Le soir, les deux parents restaient assis avec les enfants pour chanter des hymnes et des « bhajans » qui évoquaient la réalisation spirituelle. L’éducation était une priorité, la culture et le sport encouragés, mais les bavardages frivoles et superficiels étaient tabous.
C’était un être collectif. Quand ses enfants exprimèrent le souhait d’avoir un court de badminton à la maison, elle donna son accord à la condition que le court fût ouvert au public. Dans cette atmosphère empreinte de « swadeshi », de sens de la collectivité et de patriotisme, les enfants grandirent dans la plus noble tradition de l’abnégation et du sacrifice pour la société. Bien que chrétiens, les enfants reçurent une éducation religieuse variée, ce qui leur permit de comprendre les différences et similitudes entre toutes les grandes religions, qui toutes sont des expressions distinctes d’une même religion universelle.
En 1942, le proviseur du collège où sa fille Nirmala étudiait rapporta à Cornélia les activités clandestines de sa fille dans la lutte pour la liberté de l’Inde. Il lui raconta aussi comment elle avait eu l’audace de mener une procession de jeunes filles devant les soldats britanniques pour demander leur départ du pays. Des larmes d’admiration remplirent alors les yeux de Cornelia et elle répondit : « Je suis très fière d’avoir une fille aussi courageuse. »
Elle avait une foi totale en sa fille Nirmala et cela depuis très longtemps.
Un jour en 1923, alors qu’elle était enceinte de Nirmala, elle ressentit un irrépressible désir de voir un tigre sauvage dans son milieu naturel. Ainsi, un Raja (roi) voisin organisa une partie de chasse dans la jungle. Soudain, un tigre majestueux apparut dans le champ de tir de son mari. Mais Cornelia demanda à son mari de ne pas tirer, car elle comprenait le sens de ce tigre avec son enfant divin dans son ventre.
Cornelia fut profondément éprouvée par le décès de son mari en 1957, mais elle poursuivit néanmoins ses activités, se voyant offrir un poste de membre du Parlement par le Gouverneur du Madhya Pradesh. Bien évidemment, elle refusa ce poste au motif qu’elle ne voulait aucune faveur pour services rendus à la nation par son défunt mari. La proposition fut renouvelée lors de l’élection suivante, mais elle refusa encore, déclarant qu’elle ne voulait pas faire de la figuration en occupant simplement une place au Parlement.
Elle passait la plupart de son temps à conseiller et à aider les gens. Au soir de sa vie, elle savoura le plaisir de voir que son pays renouait enfin avec la prospérité. Maintenant, les raisins poussaient en abondance au Maharastra retrouvait un peu de sa richesse d’antan et elle pouvait enfin en manger. En 1970 elle décéda paisiblement à l’âge de 78 ans.
Elle avait vécu assez longtemps pour voir sa fille entamer ce qui allait être un long périple pour donner la Réalisation du Soi à des milliers de chercheurs dans le monde.
SAROJINI NAIDU (1879 – 1949)
Le Bengale a toujours été la terre de grands poètes, d’auteurs, de dramaturges, d’intellectuels, d’artistes, de musiciens, et aussi de patriotes et soldats de la liberté. Rabidranath Tagore a écrit de nombreux chants à la gloire de ce qu’il appelait le Bengale d’or. Ses habitants sont traditionnellement des dévots de la grande Déesse et ont hérité d’une culture qui a préservé leur sensibilité aux manifestations de l’Esprit. Chaque fois que la sainteté de l’Esprit avait été souillée, le peuple bengali a pris les armes sans se laisser démonter par aucune adversité.
Ils ont été les catalyseurs de la lutte pour l’indépendance de l’Inde. Des héros et héroïnes ont offert par milliers leur vie pour la liberté de leur pays. Le trait du poète n’est pas exagéré quand il dit par ces mots: « Embrassons la terre sacrée, son sol est nourri par le sang des martyrs. »
L’une de ces enfants de ce Bengale d’or s’appelait Sarojini Naidu et portait le surnom affectueux de «Rossignol du Bengale». Poétesse et combattante pour la liberté, elle pensait que: «Le salut de l’Inde ne restera qu’un rêve inaccessible tant que la voix des femmes ne se feront pas entendre». Diplômée de Cambridge, elle fut certainement la meilleure porte-parole de l’émancipation des femmes et leur affranchissement.
Quand le Mahatma Gandhi lança le Mouvement de Désobéissance Civile, elle fut la première à relever le défi. Pendant les émeutes intercommunautaires, elle devient une conciliatrice, affirmant que : «Sans unité, comment pourrait-on gagner la liberté ?». Quand le Mahatma Gandhi se fit arrêter en 1922, dans son message d’adieu, il lui dit: «Je place l’unité de l’Inde entre vos mains». Elle propagea le mouvement de non-coopération lancé par le Mahatma et devint la première femme élue présidente du Congrès National de l’Inde en 1925.
S’adressant au Congrès, elle dit:
« J’ai parfaitement conscience que vous m’avez offert votre plus précieux cadeau (en me nommant présidente), mais j’y vois plutôt un généreux hommage à la féminité indienne et un gage de votre reconnaissance de la place légitime qu’une femme doit occuper dans les conseils laïcs et spirituels des nations….Ma place, attribuée à une femme, sera le programme intérieur le plus modeste: rendre à l’Inde sa véritable position de maîtresse suprême de sa propre maison, seule gardienne de ses propres ressources et dispensatrice exclusive de sa propre hospitalité. En tant que fille loyale de «Bharat Mata», la Mère patrie, ma belle et difficile tâche consistera donc, pour l’année qui vient, à remettre en ordre ma maison, concilier les querelles intercommunautaires qui menacent l’intégrité de sa vie familiale unie de longue date, pour trouver un lieu adéquat, un but et une reconnaissance aussi bien pour le plus petit que pour le plus élevé de ses enfants et des enfants adoptifs, des invités et des étrangers au sein de ses frontières. » Quand les Britanniques imposèrent la loi martiale, elle condamna ouvertement la mesure et en guise de protestation, leur retourna sa médaille de chef hindi.
Malgré une santé fragile, elle alla en Afrique du Sud pour lutter contre le projet de loi de 1924 qui rendait les conditions de travail de la communauté indienne d’Afrique du Sud vraiment insupportables. Elle somma les Indiens d’y répondre ainsi : « vous devez, d’une voix unie, répondre au Gouvernement et dire que, si dans la nature les rivières ne remontent pas leur cours, nous ferons que les rivières de vos décisions remontent leur courant ». Elle donna plus de deux cents conférences en Amérique pour expliquer qu’il est « futile d’aspirer à la liberté du monde sans une Inde libre. » Quand elle rentra dans son pays elle inculqua à la jeunesse cette pensée : « Donnez-nous la liberté ou la mort. »
En 1930, elle conduisit la fameuse marche du sel sur Dahrasena (lancée par le Mahatma Gandhi pour protester contre l’occupation des Britanniques: le Mahatma Gandhi avait commencé à s’opposer à la levée d’un nouvel impôt sur le sel, un produit de première nécessité. En effet, les Britanniques voulaient tout simplement imposer une taxe aux Indiens sur le sel produit en Inde par ces mêmes Indiens!) Lors de la prière collective, elle exhorta les volontaires: « Gandhi est en prison, mais son âme est avec vous. Le prestige de l’Inde est entre vos mains, vous ne devez employer la violence en aucune circonstance. Vous serez pris par la police, mais vous ne devrez pas résister. »
La police fit pleuvoir des coups de barre de fer sur la tête des manifestants et Sarojini se retrouva une nouvelle fois en prison. Finalement en 1947, son rêve d’indépendance se réalisa, et bien que choquée par la partition qui sépara définitivement le Pakistan de l’Inde puis l’assassinat du Mahatma Gandhi, elle eut le privilège d’être le premier Gouverneur de l’Uttar Pradesh à Lucknow, jusqu’au jour de son décès en mars 1949.
KAMLADEVI – CHATTOPADHYA (1903 – 1988)
Kamladevi naquît dans le sud de l’Inde. Versée dans l’étude de la littérature classique, elle fut mariée à 14 ans, mais elle perdit son jeune mari à l’âge de 16 ans alors qu’elle était encore étudiante!
C’était une condition vraiment terrible, car une veuve, même aussi jeune, était supposée porter le « mauvais œil » et ne pouvait plus poursuivre d’études. Mais elle eut l’audace de se remarier à 20 ans avec Harindranath Chattopadhyay, un acteur dramaturge et poète, le frère de monsieur Naidu, mari de Sarojini Naidu.
Lors du « Mouvement de Désobéissance Civile » de 1930, fer de lance de l’action politique de Gandhi, qui fut le début du célèbre « mouvement de non-violence », Kamladevi prépara ouvertement du sel pour manifester son opposition à la taxe des Britanniques. Elle le vendit jusque dans les murs de la Bourse de Bombay, et fut arrêtée par la police. Quand elle comparut devant le tribunal, elle invita le magistrat à lui acheter du sel et commença à en vendre à toute la Cour. Elle demanda au magistrat de démissionner pour rejoindre le Mouvement de libération ! Mais elle fut néanmoins condamnée à six mois de prison fermes.
À sa libération, elle entreprit un tour du pays qu’elle acheva en un temps record, entraînant des volontaires pour le service à la patrie. Elle fut arrêtée pour son action politique à de nombreuses reprises. On la maintint alors avec des criminels dans une cellule dépourvue de salle de bains. En plus, elle devait balayer les cellules et les terrasses deux fois par jour, nettoyer la vaisselle et laver les latrines. Mais cela n’entama en rien sa détermination politique.
Après l’indépendance, elle se mobilisa pour l’aide aux réfugiés du nord-est du pays suite à la partition avec le Pakistan. La deuxième partie de sa carrière fut consacrée à la défense de la cause des femmes: elle soutint l’artisanat et les petites industries traditionnelles du pays que les femmes réalisaient. Elle voyait dans l’industrie villageoise une solution radicale aux problèmes économiques et d’emploi de l’Inde, et travailla avec ardeur à la cause artisanale.
Elle reçut de nombreux prix, entre autres le Padma Bhushan en 1955, le Padma Vibhushan en 1987 et par le Prix Magsaysay en 1966 pour son rôle de leader dans la communauté. En 2007, le magazine « Outlook » classait encore Kamladevi parmi les 60 plus illustres personnages de l’Inde.
La valeur d’une mère
A travers ces portraits de femmes remarquables, on peut lire le profond respect de la civilisation indienne envers les femmes. Et plus que tout, envers la mère qui a pratiquement le statut de déesse au sein du foyer.
Car selon l’hindouisme, c’est la Mère qui crée l’univers, le Père n’est que le témoin du spectacle. C’est elle qui accomplit tout, qui finalise l’ensemble, de sorte que le Père en devienne le Spectateur. La Mère n’éprouve que de l’amour pour sa création, le Père veut que le spectacle soit digne de son propre amour, car c’est un perfectionniste. Il veut que tout soit parfait. Mais une mère accepte l’enfant tel qu’il est : s’il a un défaut, elle l’accepte comme étant le sien et travaille à le corriger. Elle travaille très dur. Ce n’est pas un sacrifice parce que, quand on aime, on ne compte pas. Si ce n’avait pas été le cas, ce monde n’aurait jamais existé.
La maternité commence lors de la grossesse, lorsque l’enfant est à naître. En fait, c’est déjà un test pour son amour à ce moment-là, mais elle supporte cela car elle désire l’enfant.
Mais quand l’image de cette maternité est souillée, quand les mères ne sont plus respectables et ne sont plus respectées, les enfants risquent plus tard de ne pas respecter leur mère, et s’ils ne respectent plus leur mère, ils n’auront alors plus aucun respect pour quoi que ce soit d’autre.
La chose primordiale, c’est le respect pour la mère. Si on ne respecte pas la mère ou la maternité, cela signifie qu’on n’a aucun respect pour soi-même non plus. Alors, comment peut-on exister? On existe par sa mère. C’est pourquoi la mère est une institution très, très importante pour toute la création, pour nos enfants et toute la descendance à venir.
Qu’est-ce qu’une mère nous procure? Quelle partie de notre être représente-t-elle? Elle est
tout car votre mère vous a donné la vie, la nourriture quand vous étiez au stade fœtal, plus tard, la nourriture nécessaire à votre croissance. Une mère aime ce rôle sinon elle se sentirait surchargée. Elle aime donner et tout le monde en profite, c’est un plaisir collectif et partagé qui se perpétue sur tous les tableaux du monde, dans toutes les langues, dans tous les pays, dans toutes les religions.
La mère à l’enfant a été longtemps le thème favori des peintres. Les poètes aussi ont écrit tant de choses sur ce sujet qui est la manifestation de la joie pure. Toutes sortes de manifestations de joie de toute l’activité humaine ont été sur ce thème.
Mais votre propre mère, celle que vous connaissez comme étant votre mère, qui vous a donné naissance, vous donne en fait beaucoup plus que ce que vous savez, car son sang a des vibrations et en vous donnant son sang elle vous donne ses vibrations.
Elle vous donne sa subsistance (spirituelle et physique), son désir, et aussi un élan pour votre évolution spirituelle, si c’est une personne évoluée.
La relation mère/enfant nourrit votre côté émotionnel, votre canal gauche. Elle crée votre canal gauche, cette capacité à ressentir des émotions parce qu’elle vous a désiré.
Sur le côté droit, elle vous donne toute la beauté des choses délicates et aussi les intuitions que vous obtenez dans votre entreprise. Tous les moments flexibles de votre vie si vous y pensez, de qui les tenez-vous? Cela vient des bénédictions de votre mère.
Avant la naissance, on choisit sa propre mère alors il est inutile de condamner sa mère parce qu’elle est comme ceci ou cela, que c’est une femme horrible, etc… Quand on a soi-même des enfants, elle devient une grand-mère et elle fait encore partie de notre vie.
Il n’est pas de plus haute responsabilité que celle d’être une mère. Elle est plus haute que celle d’un roi, parce qu’un roi ne peut évoluer que sur le plan matériel ou physique. Tout au plus, un philosophe peut aller jusqu’au niveau mental. Le côté affectif peut être rempli par l’épouse. Toutes ces choses peuvent être faites par d’autres personnes, mais on ne peut atteindre le niveau spirituel qu’auprès de sa mère.
Ce livre est inspiré par l’amour de l’auteur pour Shri Mataji Nirmala Devi, sa mère spirituelle.
Postface
« Faut-il enfanter pour être une femme à part entière? Faut-il enfanter pour développer cet instinct de bienveillance qui sommeille en chacun de nous Ce sont les questions qui risquent de se poser à la lecture de ce livre. Nous disposons d’un canal lunaire, le côté féminin de chaque être humain, qui régule notre côté émotionnel. Les hommes aussi peuvent donc ressentir ce sentiment que l’on appellera paternel, mais qui relève de la même empathie. On peut s’attendrir devant tous les enfants du monde – dont la fourchette d’âge s’élargit à mesure qu’on élargit son coeur. Il n’est plus seulement question de lien familial, mais de quelque chose de plus global: tous les êtres, les plantes, la terre, la nature, tout ce qui nous entoure a cette capacité d’éveiller en nous cet élan d’amour, car l’on est alors uni d’un lien profond avec le monde. Et donner libre cours à l’hospitalité, la générosité, la douceur, la compréhension et la compassion, qui sont autant de manifestations de l’amour pur d’une mère, qui donne sans juger, sans exigence de retour, est ce qui nourrit notre bonheur d’être ensemble. Voilà comment l’instinct maternel peut dépasser le statut d’être mère. C’est l’une des qualités majeures et essentielles qui nourriront l’homme nouveau du XXIe siècle. »
GLOSSAIRE
Ce glossaire permet de situer les livres sacrés et les histoires dans leur contexte historique et n’a pas la prétention d’être une entrée encyclopédique.
ATHARVA VEDA :
Les textes regroupés sous le nom de « Atharva Veda » font partie des quatre Veda. On les appelle souvent le quatrième Veda car ils sont assez controversés par les hindouistes, même rejetés par les Jains et les Bouddhistes. Ces textes parlent de poisons, « médecine », selon une approche différente de celle de la médecine ayurvédique et ressemblent plus à de la magie. On y trouve des hymnes à la Déesse Terre Mère. Certaines parties sont à mettre en parallèle avec les textes contenus dans le Rig-Veda. Ils sont situés entre 1000 à 2000 ans av. J.-C. et comportent la première occurrence du terme « métal » dans la littérature, ce qui correspond à l’âge de fer, alors qu’en Europe nous n’en étions encore qu’à la préhistoire.
BAI :
Le suffixe « bai » associé à un prénom féminin est utilisé en Hindi comme une marque de respect envers une femme ou une jeune fille.
BRIHADARANYAKA UPANISHAD :
La Brihadaranyaka Upanishad, la «grande forêt de la connaissance», date de 800 av. J.-C. et a notamment été commenté par le grand saint philosophe Adi Shankara. Il figure au dixième rang des 108 Upanishad qui sont des textes fondamentaux à nature philosophique et ésotérique. Elle comprend trois sections. La première explique l’identité fondamentale de l’Atma. Dans la deuxième, le sage Yajnavalkya explique à l’une de ses deux épouses, Matreyi, la doctrine de l’âme. La troisième parle de méthodes de méditation et de certains rites secrets. La doctrine du «neti neti », «ni ceci, ni cela» vient de ce texte.
DATES :
Les dates font l’objet de diverses interprétations. Les histoires que narrent les textes religieux ont un ancrage bien plus ancien dans la culture indienne que ne laisse supposer leur datation, car elles se sont transmises oralement pendant des siècles avant d’être notées.
DEVI MAHATMYA :
Le Devi Mahatmya décrit la victoire de la déesse Durga sur les démons, dont le démon buffle, Mahishasura. Ce grand texte hindou et religieux décrivant la Devi, date environ du Ve siècle apr. J.-C. Il a été composé en sanscrit par le sage Markandeya. Si les historiens modernes datent le Devi Mahatmya entre le Ier et le Ve siècle de notre ère, les traditionalistes le disent vieux de milliers d’années.
DHARMA :
Le dharma signifie l’ordre naturel qui maintient quelque chose en équilibre et en harmonie. Il représente les limites dans lesquelles un être humain peut s’épanouir tout en respectant sa nature. Il se reflète ainsi dans l’équilibre de l’ordre social et dans la vertu et la droiture d’une personne.
DRAUPADI :
Les paroles des femmes vertueuses de l’histoire spirituelle de l’Inde ont été très respectées. C’est ainsi que les Pandavas, les cinq frères qui rencontreront le dieu Krishna, se sont retrouvés mariés à la même femme. A la suite d’un malentendu, ils ont suivi à la lettre les paroles de leur mère Kunti, car elles sont sacrées. Pendant leur exil dans la forêt, Kunti, la mère des cinq frères, les Pandavas, leur a conseillé de toujours partager ce qu’ils avaient à parts égales. À son retour à la maison avec Draupadi, Yudhisthira, le plus âgé, a dit à sa mère : « Mère regarde ce que nous avons ramené » et Kunti, sans savoir de quoi son fils parlait, leur a immédiatement demandé de le partager entre les frères. Ainsi, afin d’obéir à l’ordre de leur mère, tous les cinq ont accepté Draupadi en tant qu’épouse.
Mais qu’en est-il de la pureté et de la conduite d’une femme qui est la femme de cinq hommes? En fait, Krishna a expliqué à Draupadi pourquoi elle s’est retrouvée dans cette position aussi unique que celle d’être l’épouse de cinq frères. Dans sa vie précédente, elle avait été Nalayani, une dévote qui avait beaucoup prié le Seigneur Shiva. Content de son dévouement, il lui avait accordé le vœu qu’elle désirait. Or, elle voulait un mari possédant quatorze qualités bien précises. Shiva, l’avait prévenue : il serait très difficile de trouver un mari avec ces quatorze qualités! Mais elle n’avait pas changé d’avis. Alors le Seigneur Shiva lui promit que dans sa prochaine incarnation, elle devrait avoir cinq maris pour réunir autant de qualités. Choquée, elle lui avait demandé si c’était une bénédiction ou une malédiction. « Mon enfant, ne sois pas inquiète » lui avait répondu Shiva, « tu retrouveras ta virginité chaque matin quand tu prendras ton bain, jusqu’à la fin de ta vie. » Chacun de ses cinq maris représentait des qualités essentielles d’un époux : Yudhisthira, la sagesse et la justice du devoir ; Bhima, la puissance et la force, Arjuna la vaillance et le courage, Nakula la beauté et Sahadeva, l’amour. Les cinq frères Pandavas incarnaient, pourrait-on dire, les quatorze qualités que cette grande femme Draupadi avait recherchées dans sa naissance antérieure.
Par contre, aucun enfant de Draupadi n’a survécu à la fin de l’épopée du Mahabharata. Une nuit, Ashwatthama a brûlé ce qu’il a pris pour les tentes des Pandavas. Mais il les a confondues avec celle des fils de Draupadi, car ceux-ci ressemblaient à leurs pères. Ainsi, au lieu d’incendier le camp des Pandavas, il a incendié le camp des enfants de Draupadi.
MAHABHARATA :
Le Mahabharata, le plus grand poème épique du monde, est un livre sacré de l’Inde hindouiste, dont l’écriture s’étend du IXe au IVe siècle av. J.-C. Le sage Vyasa, qui aurait divisé les Veda en quatre parties, est aussi considéré comme son auteur. Beaucoup de textes anciens indiens lui sont par ailleurs attribués. Ces textes ont vraisemblablement été développés par de nombreux auteurs sur plusieurs siècles de tradition orale, comme c’est aussi le cas dans la tradition littéraire occidentale. Cette épopée est environ dix fois plus longue que l’Iliade et l’Odyssée. Le Mahabharata, relate une guerre fratricide, qui se serait déroulée environ XX siècles av. J.-C., entre deux branches d’une famille royale : les Pandava, symbole du bien, et leurs cousins les Kaurava, symboles du mal, pour la conquête du pays des Arya, dans la région de Delhi au nord du Gange. Parmi les principales histoires, on trouve la célèbre Bhagavad Gita (Le Chant du Seigneur), où le seigneur Krishna révèle à Arjuna les différentes formes du yoga. Ce texte très court constitue l’un des textes sacrés les plus importants de l’hindouisme.
MOGOL :
Les Mogols sont le fruit des diverses invasions des armées turco-mongoles, principalement de Gengis Khan au XIIe siècle à Babur. Elles ont introduit la religion musulmane et la culture perse (iranienne) en Inde, ce qui a abouti à une très forte culture indo-persane. Mais le terme a toujours eu un sens plus large et recouvre un mélange d’Ouzbeks, de Perses, d’Afghans et de Turcs d’Asie centrale. Ensuite, depuis le XVIIe siècle, tous les immigrants d’Asie centrale arrivant en Inde sont désignés par le nom de « Mogol », comme plus tard les immigrants d’Iran et du Caucase.
En 1526, Babur fonde en Inde l’Empire mogol après avoir battu le dernier sultan turc de Delhi. Au XVIe siècle, sous Akbar, l’Empire mogol se développe considérablement et l’Inde connaît alors un essor culturel et économique, ainsi que l’harmonie entre les religions hindoue et musulmane. Puis, l’empire décline lentement au début du XVIIIe siècle jusqu’en 1857, où les Britanniques exilent le dernier empereur mogol, dernier souverain en titre de l’Inde, à Burma.
Aurangzeb dirige l’Empire de 1658 à 1707. Musulman très conservateur, il s’oppose fortement au soufisme, un courant mystique de l’islam très apprécié en Inde. Ses prédécesseurs avaient été des mécènes permettant l’apparition d’un art de la miniature très élaboré et typique. Mais son intégrisme religieux entraîne la décadence de cette peinture, ainsi que de la musique, car il bannit de la cour musiciens, danseurs et chanteurs. Il détruit les sculptures des temples hindous, rase de multiples temples sur l’emplacement desquels il construit des mosquées en réutilisant leurs matériaux. Cette initiative est à l’origine des problèmes intercommunautaires qui, encore aujourd’hui, empoisonnent la République de l’Inde.
PURANA :
Les Purana semblent avoir été composés entre le Ve et le XIe siècle, pour les castes inférieures et les femmes qui n’avaient pas accès aux Veda ni ne connaissaient le sanscrit. Ces textes étaient diffusés par des brahmines pour les couches populaires, donc ces histoires étaient transmises et retransmises en langues vernaculaires. Ce n’est pas une tradition écrite qui passe de brahmine à brahmine mais bien des histoires populaires que toute l’Inde connaît.
La tradition en attribue la composition à Vyasa, comme pour l’écriture du Mahabharata et la récollection des Veda. Mais le nom de Vyasa cache sans doute plusieurs auteurs de collections brahmaniques qui auraient rassemblé l’œuvre de poètes. On reconnaît généralement 18 textes de nature philosophique ou religieuse, des contes et légendes qui s’organisent autour d’un dieu particulier. Ce recueil très populaire compte environ un million de vers. Chaque purana contient au moins deux thèmes fondamentaux : la formation de l’univers et la création de la race humaine. Des principes abstraits de la formation de l’univers (cosmogonie) le poète passe naturellement aux divinités qui en sont les personnifications diverses, puis de ces divinités aux familles royales, avec les contes et légendes.
RAMAYANA :
Le Ramayana est un long poème, qui est traditionnellement attribué à l’ermite Valmiki. Il décrit la vie du seigneur Rama, depuis sa naissance, son exil, l’enlèvement de son épouse Sita et sa délivrance, jusqu’à son retour sur le trône. Cette épopée, écrite en sanscrit, constitue l’un des écrits fondamentaux de l’hindouisme, même si bien avant leur écriture, le texte a probablement été conté oralement sous la forme d’une série d’histoires religieuses, mais aussi mythiques. Il est toujours très populaire en Inde, mais aussi en Indonésie et en Asie du Sud-Est. Il existe environ 300 versions du Ramayana et de nombreuses traductions. La plus célèbre est celle du poète philosophe indien Tulsidas, considéré comme l’équivalent pour la langue hindi de notre Molière, qui date du XVIe siècle. Le Ramayana daterait de 3 000 ans av. J.-C.
RIG-VEDA :
C’est une collection d’hymnes sacrés de l’Inde antique composée en sanscrit vers 1500 avant JC, qui fait partie des quatre grands textes canoniques de l’hindouisme et qui a profondément marqué la culture indienne. L’époque du Rig-Veda se situe vers le XVe siècle av. J.-C., à l’âge de fer. Il fait partie des quatre textes canoniques les plus sacrés sur la connaissance, appelés les Veda. Certains de ses versets sont toujours récités dans les prières hindoues, c’est l’un des plus anciens textes conservés dans n’importe quelle langue indo-européenne. Il contient plusieurs récits mythologiques et poétiques sur l’origine du monde. Le schéma de la Création et l’archétype du couple créateur masculin/féminin, Purusha et Prakriti, viennent du Rig-Veda.
VASISHTHA :
Dans la mythologie indienne, Vashishtha est un sage, « Rishi », et un maître, « gourou », qui enseignait la paix intérieure et la perfection ainsi que le pardon. Il était le gourou du Dieu Rama.
VEDA :
« Veda » signifie en sanscrit « vision » ou « connaissance ». C’est un ensemble de textes que Dieu aurait directement révélé aux sages indiens nommés « Rishi ». Cette « connaissance révélée» a été transmise oralement de brahmane à brahmane jusqu’à nos jours.
Les premiers textes datent sans doute du XVe siècle av. J.-C. et sont progressivement rassemblés sous le nom de « Samhita ». Ils sont divisés en quatre parties et traitent de rituel et de philosophie. Les parties les plus récentes dateraient du Ve siècle av. J.-C. Les Veda sont à la base de la littérature indienne.
VISHNOU PURANA :
Le Vishnou Purana est un texte religieux hindou considéré comme l’un des plus importants Puranas. Il comprend de nombreuses histoires bien connues dans la tradition védique, y compris les diverses incarnations du dieu Vishnou et la description détaillée de la vie de son incarnation complète, le seigneur Krishna. Le Vishnou Purana est présenté comme un dialogue entre le maître et son disciple qui aborde les thèmes majeurs de la création, qui propose des histoires de batailles entre les démons et les dieux, des histoires de rois légendaires et qui décrit les incarnations du Dieu Vishnou.
Quatrième de couverture :
L’Inde est vaste, formée de multiples régions, de peuples, de cultures et de religions différentes que la géographie, le climat et l’histoire ont façonnés, mais l’Inde est avant tout une seule nation, car elle croit depuis l’antiquité en l’existence d’une Mère universelle. Cette foi s’est souvent manifestée en un amour pour la Mère patrie et en une glorification de la femme au foyer. L’auteur a choisi de nous présenter 19 petites histoires parlant de ces grandes figures féminines qui ont agi sur le cheminement de la pensée indienne et inculqué le respect de la femme.
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